Serial killeuse de la nourriture

Par : Nana

Bonjour, je suis Nana : serial killeuse de la nourriture. Mon histoire remonte à seize ans; seize ans que je dévalise les supermarchés, boulangeries, tout endroit où je peux trouver de la nourriture. Au départ j’avais une complice, ma mère. Puis j’ai grandi, et je suis devenue seule maîtresse de ces homicides alimentaires

Lorsque je suis en manque, la pulsion est plus forte que la raison. Il n’y a plus rien qui compte, à part dévorer (engloutir), des millions voir des milliards de calories par an, en tout impunité. On a essayé de me retenir : hospitalisation(s). Mais dès que je sors je recommence ! Avec le temps j’ai appris à cacher mes assassinats alimentaires – je  nettoie, balaie, fais la vaisselle, désinfecte les toilettes, je jette les poubelles, je ne laisse aucune trace, comme si de rien n’était. J’ai appris à effacer les indices, les preuves, à mentir pour pouvoir continuer en toute légalité. Les denrées alimentaires sont faibles. Elles sont triées sur le volet. Jamais choisis au hasard : faut qu’elles soient vomisables, caloriques. Je m’attaque à elle, puisqu’elles sont vulnérables face au monstre que je suis.

Je me dis toujours c’est la dernière fois ! Mais non, tous les jours je recommence. Je ne crois plus en la guérison. On ne peut pas me stopper.

Mes journées sont rythmées par les crises. Je suis une abomination, je me déteste, je suis une meurtrière. Quand je mange, je perds tout contrôle. Je n’éprouve aucun remord, je n’ai plus de conscience, comme si mon humanité disparaissait. Une fois revenue à la réalité, je me hais, je recrache toute cette colère dans les toilettes, comme si la culpabilité était revenue ; que je réalisais enfin ce qu’il venait de se passait. Je me promets de ne plus recommencer, que c’est la dernière fois. Mais comme une criminelle, je ne peux m’arrêter.

Cependant mes crimes ont un prix, les vomissements attaquent mes doigts, mes dents, mon œsophage de par leur acidité puis mon cœur parce que je force pour enlever toute cette rage. Mais ai-je un cœur pour agresser comme ça les aliments ! Mon seul objet est d’assouvir mon besoin, ce goût au meurtre est plus fort que tout !

Merci de m’avoir lu

 

 

Article écrit par Nana


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  • Association Enfine - Écoute & Entraide Autour des Troubles du Comportement Alimentaire

4 réflexions sur “Serial killeuse de la nourriture

  1. Super mais vraiment super texte. On ressent tout ton désespoir, ta haine envers toi-même, ta haine de tuer un peu plus… toi-même. Mais tu n’es pas seule. Déjà il y a ton texte chirurgical et puis tu arrives quand même à avoir ce recul final. Et tu me fais penser au poème Pulsions de Pryd sur le forum d’écriture Encre nocturne comme les albums de pop-rap de Columbine. Jusqu’à un peu de mon expérience perso ou plus de ce que j’ai vécu avec d’autres personnes. Alors je sais pas si tragiquement tes crimes alimentaires t’emprisonneront éternellement mais merci pour cette écriture brute de décoffrage. À défaut d’être maladroit peut-être en disant que tu es innocente, je ne peux que t’encourager à continuer d’écrire ainsi. Ou dans un autre style. J’ai kiffé et si le savoir est une arme, tout peut l’être : le cœur aussi. Les paroles. Mais c’est aussi un bon traitement, ça peut aider à guérir. Et pour arrêter de faire une longue critique où je vais finalement pas dans les détails : GG !On en rediscutera en vocal si tu veux ?

  2. J’aurais pu écrire ce texte il y a seulement quatre ans de ça. C’est ainsi que je me voyais aussi, une bête insatiable. Comme toi j’avais appris à ne laisser aucune trace de mes crimes. Pourtant ils me laissaient marquée au fer rouge, mais d’une marque aussi vive pour moi qu’elle était invisible aux autres. Je me suis crue folle, perdue, comme dépossédée de mon âme, de mon humanité. Si l’on m’avait dit qu’une issue heureuse était possible je ne l’aurais pas cru. Comment apprendre à consommer avec raison cette drogue me fait sortir de mon corps ?? C’est possible pourtant. Je te laisse me contacter si tu veux en parler. J’ai été toi et aujourd’hui je vais bien.

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