superbe témoignage d'Anna, partage et écoute de Marseille

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MC
Petit enfinien
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superbe témoignage d'Anna, partage et écoute de Marseille

Message par MC »

Anna K. (extrait 1)

J'ai passé trois jours affreux où l'angoisse a été telle que j'ai du ingurgiter pas mal de choses pour la faire taire. Mais pas n'importe quelles choses. J'ai remarqué, au bout de neuf années de ce genre de pratique alimentaire, à quoi me servaient mes absorptions incontrôlées et compulsives. A me rapprocher des gens que je fuis. Rapport d'amour-haine qui passe par la nourriture. Je ne sais que me goinfrer ou bien me priver. M'abrutir de travail ou bien ne rien faire. M'épuiser avec deux heures d'activités physiques quotidiennes ou me laisser aller au farniente. Voir beaucoup de monde ou bien me terrer chez moi en ayant peur de me montrer.

Quand est-ce que tout a commencé ? A seize ans quand les repas familiaux étaient tellement angoissants pour moi que j'ai petit à petit cherché à éviter ceux du soir ? Prétextant un film à voir, je m'échappais dans ma chambre avec un plateau télé. J'ai du coup lancé la mode et tous les autres ont suivi. Encore une fuite, j'ai décidé deux ans plus tard, et plus ou moins inconsciemment, de partir sur le continent pour faire mes études. Elles ont duré neuf longues années, entre Aix-en-Provence et Nice. Ce que je recherchais et recherche toujours a un nom. Sérénité. J'ai du mal à l'atteindre. Du mal à me permettre d'être heureuse. Lorsque j'y suis presque et que je la sens à portée de main, je panique et la laisse me glisser entre les doigts. Pourquoi donc cette peur ? On dirait que le bonheur me brûle les yeux. A partir du moment où l'on est heureux, la quête est finie. Il n'y a plus de raison de vivre puisque le but est atteint. Je veux trouver la paix intérieure, apaiser tous mes démons. Les faire taire une bonne fois, en les affrontant. Et non en les fuyant. Parce que l'on ne peux pas fuir ce qui est en nous. Qu'est-ce que je recherche plus que tout ? Etre bien dans mon corps de manière durable. Mais non, impossible, je fais le Yo-Yo depuis douze ans maintenant. Je m'abîme la santé, j'ai l'estomac qui fait des siennes depuis plus d'un an, mais je persiste dans mes excès. Ces excès ont un but. Me rapprocher de mes proches en avalant ce qu'ils aiment. C'est ma façon de communiquer avec eux. Une sorte d'appel au secours aussi. Parce que sous des apparences lisses, je cache des fêlures qui menacent à tout moment ces murs de protection que j'ai cherché à dresser tout autour de moi. Remparts dérisoires qui donnent le change. Oui mais jusqu'à quel point ?

Tourner autour de la table, ne pas oser prendre le fruit défendu, doux et sucré, celui que l'on se défend soi-même d'approcher. Et toujours s'écoeurer avec la matière qui est insipide, voire amère, en tout cas pas à son goût. Jusqu'au jour où l'on se décide à franchir le pas, où l'on ne tourne plus autour. L'on va alors droit au but, à l'essentiel. Surmonter ma peur. La peur de m'ouvrir aux autres. La peur de l'autre qui me menace parce qu'en m'ouvrant à lui je lui donne les moyens de me faire disparaître. Il m'aspire, il m'efface, il m'anéantit, m'annihile. Mais je me cache derrière lui. Sous toutes ses formes. Maternelle, paternelle, sous celle du couple parental, celle du couple que j'ai malgré tout formé pendant sept ans...

Anna K. (extrait 2)

J'ai besoin de symbolique pour combler mon vide. Pour panser des blessures qui remontent à loin. Si loin qu'il m'a fallu des années pour tout saisir. Et encore n'ai-je pas tout compris. Une chose pourtant me semble claire. J'ai besoin de relancer sans cesse mon intérêt parce que sinon je m'ennuie. Comment se traduit l'ennui chez moi ? Il me semble avoir tout d'un coup une sorte de voile qui vient m'obstruer la vue, un épais brouillard qui tombe pour m'abrutir l'esprit. Une fatigue sans nom qui me laisse dans un état apathique, pitoyable. J'ai beau me dire qu'il faut brûler la vie par les deux bouts, je n'arrive pas à empêcher ces retombées. Car pour retomber, il faut d'abord avoir grimpé tout en haut de la montagne, le rocher bien en main, et avec toute l'énergie de l'espoir pour y parvenir. On y parvient toujours, d'ailleurs, en haut de la montagne. Mais qui nous dit qu'il s'agit bien de la bonne montagne ? Et ce rocher, est-ce bien celui qu'il nous fallait choisir ? Tant de choix dans la vie, à faire, bon gré mal gré. Je me fais parfois l'impression de me débrouiller coûte que coûte pour me tromper, soit de montagne, soit de rocher.

J'ai pris conscience de mes peurs et j'ai envie d'y faire face, sans concession aucune. J'ai la trouille devant mes désirs. Serais-je à la hauteur ? Peu importe. Le tout c'est de se jeter à l'eau. Et partir à la recherche de cette eau dans laquelle je me sentirai enfin poisson. Au moins pour un temps. Le renouvellement constant, me permettra d'aller au devant de nouveaux horizons pour me trouver toujours davantage. Même si du coup on a l'impression de fuir les gens. Mais fuir les autres n'est-ce pas se fuir soi-même ? Pourtant, il me semble bien au contraire avoir cherché à affronter l'horreur de la vérité. Jusqu'à ce point. Point de non-retour mais aussi de non-avancée. Je suis dans une impasse et j'y tourne en rond. Ces murs que j'ai moi-même dressés autour de moi m'étouffent. Mais ils me rassurent également, je suppose. Sinon, pourquoi seraient-ils là ? Pourquoi ai-je donc besoin de fabriquer des obstacles qui m'empêchent d'atteindre l'endroit fantasmé de tous les bonheurs ?
1) Parce que si j'y parvenais maintenant, je n'aurais plus qu'à mourir, et vingt huit ans, c'est encore relativement jeune.
2) Parce que ces murs ont une fonction symbolique d'enceinte, de muraille de Chine, pour me protéger de l'invasion de l'autre, qui est paradoxalement celui par lequel je peux accéder à mon être. Ecrire devient mon moment de répit. Ma recherche de certitudes aussi. Ironie du sort. La certitude originelle de mon destin de mortelle ne suffit-elle pas ? Deux pas en avant. Et aussitôt un en arrière. Ou un en avant. Pour deux en arrière. Autant de petits contretemps qu'à loisir je m'occasionne. Jusqu'alors en veille. L'éveil quant à lui se fait désirer. Sommeil paradoxal, réconfort d'une prison où l'on s'oblige à rester. Comment rompre l'enchantement ? En écoutant son envie de liberté tout en rassurant sa peur du néant...
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Severine
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Message par Severine »

Oui écoutons cette envie de liberté car derrière la maladie ce n'est pas le vide c'est la vie j'en suis sûre... Pas à pas nous nous dirigeons vers elle cette inconnue qui fait peur...
espoir
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Message par espoir »

J'espère que je le franchirais le pas de la liberté...
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