"ça s'en va et ça revient.."

[canicio15]

Bonjour les filles et les garçons présents;

cela faisait un moment que je n'étais pas venue.. en juin dernier je me sentais mieux, je bougeais, je mangeais, je perdais du poids (je suis boulimique depuis 6ans déjà après 3ans d'anorexie, oui, à 23ans c'est beaucoup d'années de perdu). J'ai beaucoup réfléchi, j'ai lu vos témoignages, j'ai tenté de parler à des proches mais j'en reviens toujours au même point: il n'y a que moi et mon amie la boulimie. Je suis seule entourée de nourriture.
J'ai tout tenté, j'ai vu un psychiatre, j'ai pris des antidépresseurs, j'ai fait une tentative de suicide qui s'est finie aux urgences (pour le trait d'humour "même ça ma vieille tu peux pas le faire") mais tout ça c'est brassé du vide.
Je crois avoir compris quelque chose mais je ne suis pas sûre de moi.
Dans les derniers messages vous avez partagé les surnoms que l'on avait pu vous donner. La boulimie, l'anorexie ce sont les maux de ce siècle. La société de consommation ne peut pas nous aider, elle nous enfonce. Je sors et je vois que et seulement des tentations en me disant "non tu n'iras pas au monoprix, rentre chez toi" mais même si je rentre je suis capable de ressortir par n'importe quelle température. Je tiens des heures chez moi à me dire "aujourd'hui il ne se passera rien, tout ira bien, tu mangeras "comme tout le monde" " puis les heures passent et la pensée reste: je finis par craquer.
Quand je crise je me goinfre toujours des mêmes aliments, chaque mois je me retrouve à découvert car non mon argent d'étudiante ne va pas en sorties, en plaisirs mais elle va pour pouvoir souffrir encore plus.
J'ai atteint le paroxysme de mon chagrin, j'ai pris 20kg. Bientôt je serais obèse. Car oui je suis fière de moi j'ai arrêté de vomir, de prendre des laxatifs mais le pire c'est que je ne peux plus faire de sport (encore quelques mois) à cause d'une opération au genou; ça m'a anéantie et j'ai crisé encore plus.
J'en suis au point de ne plus me trouver d'identité, de ne plus savoir ce qui pourrait me faire plaisir.
Puis de l'autre côté il y a le réchauffement climatique, les guerres, les gens en majorité méchants.. Tout s'écroule autour de moi et Mme Boulimie m'incite à chuter aussi. Cet été je dois travailler, aller chez mon père, mais je ne peux pas. Je ne veux pas. Je veux qu'on m'enferme quelque part, que des gens s'occupent de moi. Mais sans argent peu de choses sont accessibles. Je pleure pour tout et n'importe quoi.
Je ne sais plus quoi vous dire.
Puis les amis au courant "oh mais c'est qu'une période tu t'en remettras comme toujours". Non MAIS ET LE JOUR OU JE PEUX PLUS?? C'est devenu un quotidien, tellement qu'on en oublie que c'est pas normal, que ça nous fait du mal. J'ai tellement inventé d'excuses pour éviter les sorties à la fac et autres que plus personne ne me propose rien, que je me retire dans mon coin. Moi qui rigolais, qui parlais à tout le monde je ne veux plus voir personne: Ils ne comprennent pas.
Et ce côté malsain aussi qui me fait penser "mais sans la boulimie qu'est ce que je vais devenir??? Sans Elle je serais perdue!! Je peux pas la jeter, je peux pas la vaincre car elle me comprend, elle me soutient et c'est tout ce que j'ai pour survivre!".
Je suis en période de partiels mais je m'en fous royalement. Je pense chaque fois que je suis éveillée "ne crise pas..ne crise pas..ne crise pas" puis j'échoue.
Des années de yoyo, de phase de rémission, de rechutes plus violentes à chaque fois .. Je déteste mon corps mais je sais que c'est moi qui l'ait détruit; Je déteste mon âme. Je ME déteste dans mon intégralité.

Je veux plus entendre parler de nourriture et parfois je me demande comment j'ai pu en arriver là. ça fait des années et j'ai l'impression que c'était hier.

Ma maison est remplie de légumes, de bonnes choses mais souvent ça se périme et je gaspille alors je me sens encore plus nulle car je suis tournée vers la nature mais elle aussi je la trahis.
Bref. Je suis une humaine inutile remplie de tristesse.

Je vous souhaite une bonne journée, comme un petit bonhomme vert a dit "may the force be with you".

[Isabelle]

Je sens toute ta détresse... Je comprends... 23 ans, c'est l'âge que j'avais quand j'ai décidé d'être hospitalisée, affaiblie et déprimée par la maladie et mon compte en banque qui diminuait à vue d'oeil à cause des crises et de tous ces chewing-gums que je mâchais pour toujours avoir quelque chose dans la bouche quitte à avoir TRES mal au ventre.

23 ans et 6 ans de maladie... Je comprends que tu aies du mal à t'en séparer. La boulimie devient la seule "chose" qui puisse te comprendre. Et tu culpabilises en même temps de toute la misère du monde. C'est ton amie et aussi une raison de te dévaloriser. Pourtant c'est une partie de toi qui souffre. Pourquoi ce serait moins important que le réchauffement climatique ou les guerres ? C'est une guerre intérieure qui t'a poussée à la boulimie. Ton seul moyen d'exprimer cette guerre et cette souffrance que tu as dû refouler... Tu n'as peut-être même pas idée d'où ça vient, ou alors tu ne fait pas le lien... Des psys le font pour toi des fois... C'est à cause de ça, ça vient de ça...

Et toi tu te dis bah peut-être... Mais VRAIMENT, tu ne vois pas le rapport. Tu ne vois pas en quoi ça t'a fait souffrir et en quoi aujourd'hui ça s'esxprime par des crises de boulimie... C'est difficile. Le chemin est long.

Mais il y a des possibilités, des possibilités qui ne coûtent pas grand chose comparé à tout le mal et la dévalorisation que ton quotidien te fait vivre. Tu en vaux la peine !

Essaye peut-être les associations ? C'est la solution la moins chère... Pour un suivi psy il y a aussi des organismes gratuits pour les étudiants...

Bon courage en tout cas, ne désespère pas

[canicio15]

Merci Isabelle pour ta réponse..
Tout ce que tu as dit est totalement juste. J'apprécie ton message.

Pour les causes de ma boulimie je crois savoir d'où ça vient (mon passé me poursuit) mais même en étant lucide ça ne change rien car je n'arrive pas à m'en débarrasser.

Jeudi je vois une psychanalyse pour la première fois, c'est une des seules qui m'a répondue en détails en me disant qu'elle pourrait s'adapter à ma situation financière; je fais des études de psychologie et j'ai été très choqué lorsqu'en envoyant des messages à différents psychologues le même discours est revenu sans pour autant changer le prix "mais Mlle votre santé passe avant l'argent, mais payez moi 50e pour 1h". C'est tellement hypocrite!!! Je promets que si j'obtiens un jour mon titre de psy je m'adapterais aux personnes démunis.
M'enfin.
J'ai donné ma CB et mon chéquier à ma voisine pour éviter de m'enfoncer dans mon découvert..hier soir j'ai fini toutes les pâtes de chez moi avant de finir aux toilettes. J'avais arrêté de vomir... Tu crois t'en sortir puis hop: plongeon en piqué.
Enfin... Je vais garder mes confidences pour jeudi en espérant que la psy se sente un peu concernée...

Je hais la boulimie mais je l'aime aussi.

Have a good day ;)