Synthèse "Les réactions de l'entourage"

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Antoine
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Synthèse "Les réactions de l'entourage"

Message par Antoine »

A 3 jours du premier groupe de parole organisé sur Marseille par l'association Partage et Ecoute qui aura lieu ce vendredi 7 octobre, voici celle de la réunion du mercredi 28 septembre 2005 à Courbevoie et qui portait sur "Les réactions de l'entourage". Un grand merci à Katell pour ce compte-rendu des plus passionnants !!
Très bonne lecture,
Antoine

[center]Groupe de Parole « Partage & Ecoute » du 7 octobre 2005[/center]
[center]Thème : « Les réactions de l'entourage »[/center]
Tout d’abord un grand merci à Jacqueline qui a bien voulu modérer cette réunion qui a porté sur les réactions de l’entourage, et au cours de laquelle nous avons encore pu découvrir un nouvel aspect de cette maladie complexe et énigmatique.

Tout d’abord, on a pu remarquer que ce sont les le réactions des autres qui au départ ont pu mettre en lumière la maladie et dénoncer de par la même un certain mal être que l’on pouvait ressentir à l’intérieur de soi. L’origine des troubles alimentaires vient souvent d’un grave problème de communication entre le malade et son environnement proche, et plus spécifiquement familial.

Pour tous ceux et celles qui sont dans la maladie, une des premières réactions qu’ils peuvent rencontrer au sein de leur famille est avant tout de l’incompréhension, de la colère, et pour certains cela pourra même aller jusqu’à  l’humiliation, le mépris, et de l’exaspération car la maladie met pile le doigt sur le fait que quelque chose ne va pas, ne fonctionne pas normalement, d’autant plus que l’entourage met souvent un point d’honneur à vouloir démontrer à tout prix, et à quel prix ? que tout va bien dans le meilleur des mondes, que tout est parfait. D’ailleurs il semble qu’il n’y a pas de problème, qu’il n’y a aucun problème, car il ne doit pas y a voir de problème.

Les troubles alimentaires prennent souvent source au sein de la famille, rendant les rapports encore plus difficiles, plus tendus, et où règne une « non communication » criante. La famille se sent démunie, désemparée, remise en cause, attaquée dans ce qu’elle est, et se sent tout particulièrement coupable malgré tout de ce qui se passe, impuissante. Les mères sont très souvent les premières à être montrées du doigt, alors que dans ces maladies-là, on oublie très souvent que notamment pour l’anorexie, il s’agit d’une jonction de facteurs divergents et conflictuels qui se passent à l’intérieur du malade, qui se trouve sous l’emprise d’une sorte de  diable intérieur. La maladie se développe souvent à un moment critique et phare, du développement de l’individu : de façon soudaine et inattendue, tout fout le camps peu à peu, les émotions douloureuses et les mémoires anciennes resurgissent, on ne peut plus faire face, tous les repères et bases que l’on avaient à l’intérieur de soi s’effondrent, pour laisser place au néant, au rien. La réaction de la famille ne peut être que difficilement non violente.

A : face à la maladie de ma sœur, j’ai éprouvé beaucoup de colère, je me suis sentie impuissante, mais je me suis rendue compte que je devais vivre ma propre vie, je dois la laisser à son sort, et ne pas me laisser entraîner dans sa descente aux enfers, car il n’y a que elle qui puisse décider d’essayer de s’en sortir. Aujourd’hui je ne me sens plus coupable. Je fais aujourd’hui comme si sa maladie ne m’affectait plus, avec moi elle ne peut pas mentir car elle sait que je sais, que je viens à un groupe de parole.

Lorsque l’on est dans la maladie, on décroche, on part tout doucement, sans s’en rendre compte, vers un autre monde… On quitte peu à peu le monde réel, le monde du senti, des sensations, on ressent de moins en moins ses propres besoins qu’ils soient d’ordre psychique, psychologique, physique, et ou émotionnels……On devient comme anesthésié de ses propres émotions, « ne plus manger pour ne plus sentir », et ne plus ressentir d’affect envers les autres pour ne plus souffrir… Le corps se met en veille …Difficile donc pour le malade de se rendre compte déjà qu’il est malade, et qu’il se met en danger, et des réactions que l’on peut susciter chez les autres et au sein de sa famille, « je ne suis plus, mais les autres aussi ne sont plus… »

K : Quand j’ai commencé à arrêter de m’alimenter, j’avais le sentiment profond que ma famille était indifférente à moi, ils ne me montraient pas leurs émotions, ou du moins pas de la façon dont j’aurai voulu, je pouvais sentir planer une sorte de malaise, de non dits, des silences…avec l’impression et la croyance profonde de ne pas être la bienvenue, de déranger, de ne pas avoir le droit d’être là, et d’exister…Alors quoi de plus simple que de tout faire pour devenir invisible et disparaître aux yeux des autres lorsqu’on se sent être réduit au rien ?

Récemment mon petit frère m’a dit « je ne comprends pas la dépression, je ne comprends pas comment on peut tomber dedans, comment cela peut arriver…C’est si difficile d’expliquer l’enfer dans lequel on se trouve alors que en apparence, tout est lisse et tout à l’air d’aller très bien…. »

S : Une façon d’aider celui qui est dans la maladie, et de lui faire prendre conscience que c’est en l’aidant à retrouver sa part de vivant en lui. Reconnaître ce que l’on est tout simplement. L’anorexique utilise toute son énergie pour ignorer ses besoins. Rendre à quelqu’un sa part de vivant c’est lui redonner sa vérité d’être qu’il a perdu, « je suis malade parce que je ne me sens pas accepté dans ce que je suis»

M-A : Pour faire prendre conscience à celui qui est dans la maladie, la meilleure réaction de l’entourage est d’avoir avant tout une attitude bienveillante, même si l’on n’approuve pas, laisser l’autre être, laisser les choses aller…

A : Le malade recherche le conflit, ma mère était toujours là derrière moi pour me booster à vivre, on met l’autre à l’épreuve pour voir si vraiment il est là et qu’il nous aime, cela vaut-il vraiment la peine de vivre, jusqu’ou faut-il aller ?

M-A ; La famille peut servir de miroir, de par la maladie j’ai pu voir la culpabilité transparaître sur les visages de mes proches, c’est en les regardant, et en les voyant se détruire et être malheureux, que j’ai pu prendre conscience de ce qui n’allait pas.

Mais aussi, quand tout à coup on décide de revenir dans le monde des vivants et de sortir de la maladie, c’est là que l’entourage peut croire de façon illusoire, « ça y est tout est finit, il n’y pas plus de problème », on peut recommencer comme avant, alors que l’origine du mal est toujours là sous-jacent, la maladie est la pour mettre en lumière des dysfonctionnements, et c’est toute la famille qui est souvent amenée à changer à se remettre en question, sinon c’est au malade de partir, d’essayer de se dégager de ces liens qui entravent son évolution, afin de sortir du schéma familial. Parfois de longues coupures sont nécessaires, pour laisser au malade le temps de se reconstruire pour retrouver une nouvelle identité, qui lui permettra de se sentir vivant En retrouvant une place en dehors de l’environnement d’où il vient, on peut alors trouver un nouveau sens à sa vie. Il arrive même souvent que des années après que la personne malade ait quitté la maladie et se reconstruire une vie nouvelle, celle-ci retourne alors vers ses origines, et peut avoir des rapports très différents avec son entourage. Le travail sur soi, permet d’appréhender les choses sous un angle nouveau, cela ne modifie pas les faits, ni les choses, mais cela permet au moins aux autres de communiquer autrement et différemment, et de par la même à changer, même s’en rendre compte.

C : Pour ma fille, je ne me suis jamais sentie coupable, mais quand j’ai découvert sa maladie, j’ai été choquée, aujourd’hui je surveille, mais j’ai toujours cette angoisse qu’elle puisse rechuter. Je n’aime pas les silences, j’ai besoin de me rassurer en l’entendant, de savoir ce qu’elle fait. J’ai été moi-même malade sans le savoir quand j’ai été plus jeune, mais la souffrance que j’éprouve face à mon enfant malade est bien plus insupportable à vivre pour moi que lorsque moi même j’étais malade. Celui qui est malade vit dedans, et ne se rend pas forcément compte, mais en tant que mère, je la vois tous les jours se détruire et être malheureuse, et c’est bien pire à supporter.

J : Lorsque ma fille était dans la maladie, je ne me rendais pas vraiment compte de ce que faisait cette maladie, je n’avais pas du tout conscience de ce qu’elle pouvait vivre, je ne me rendais pas compte du calvaire qu’elle était en train de traverser.

S : Plus jeune je voyais mon corps et je me disais « mais qui pourrait vouloir de voudra de moi? » Je ne me rendais pas compte de l’état de mon corps, la maladie était en fait une réaction face au fait que l’on m’empêchait de vivre ce que j’étais, à partir du moment où je me suis donné ce droit, j’ai pu renouer avec mes besoins.

A : La boulimie est très difficile car cela nous renvoie à un image de non malade, c’est honteux pour l’entourage, on est faible, on ne sait pas se contrôler, et quelque part les troubles alimentaires, sont percus comme une maladie qui vient de soi, c’ests nous qui l’avons provoqué, ce n’est pas comme d‘autres maladies, là on se sent coupable et responsable tout comme peut l’être l’alcoolique ou le drogué: « tu n’as pas de volonté, tu te laisses aller, si tu ne vais pas bien, c’est que tu le veux bien ».

En tout état de cause la maladie, quelque quelle soit, est toujours une épreuve et dure à supporter et à vivre pour l’entourage, car les choses restent en suspens, on ne peut plus nier, faire comme si de rien n’était. La boulimie et l’anorexie sont des maladies complexes et difficiles à soigner dans la mesure où les origines sont souvent multiples et anciennes, et les blessures ancrées depuis longtemps à l’intérieur de soi. Ces deux maladies sont le reflet de quelque chose qui ne va pas,  un disfonctionnement au sein de l’entourage, ce qui provoque d’autant plus de réactions violentes, noyées d’incompréhension par les membres de la famille. Une des attitudes les plus adéquates à adopter par la famille serait la bienveillance: je t’accueille, tel que tu es, et je te donne la place que tu souhaite, je te respecte en tant qu’individu et je t’accepte dans ta différence même si je ne pense pas comme toi. laisser l’autre libre, et être sans jugement , lui permettra peu à peu de ne plus se sentir en danger et ou agressé, et alors des liens nouveaux pourront se reformer pour laisser place à une vie plus normale. Le chemin de la guérison est lent, long, ardu, semé d’embûches car la maladie est souvent là en veille, et que ce soit le malade et  ou l’entourage chacun doit faire des effort pour arriver à  s’apprivoiser, et s’accepter dans sa différence mutuelle.
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Antoine
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Message par Antoine »

Bonjour à tous,
Voilà donc un nouveau compte rendu : celui de Marseille. A la réunion du 7 octobre, ils étaient 11 : tous concernés par les TCA.
Vive les marseillais et merci à Marie Christine.


[center]°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°[/center]
Ce groupe a débattu du thème « les réactions de l’entourage ». Le débat s’est articulé, entortillé, autour des points suivants :
- les parents
- le reste de la famille, les amis et les passants
- l’environnement institutionnel : scolaire et médecins
- faut-il s’isoler ?

C’est une maladie où tout s’organise pour que personne ne sache.
On est Docteur Jekyll et Mister Hyde

les parents
B, une maman, est culpabilisée à mort par sa fille et son mari : pour eux c’est de sa faute.
Nombreuses sont les mamans qu’on culpabilise. A quoi cela sert il ? Ca empêche d’avancer dans la communication. Ca fait du mal à tout le monde. Arrêtez le carnage messieurs les médecins.
C.  ce dont j’ai besoin c’est juste de la tendresse. Ma mère m’entend mais me dit en être incapable. Pour une autre, c’est juste l’inverse : elle en a trop reçu. Dans les 2 cas elles ont le sentiment que leur mère gère leur vie.
R, un papa, dit que ça l’aurait arrangé que ce soit génétique. Au moins il aurait su que faire, on le lui aurait dit.
J. raconte comment son père ne s’est pas exclu du problème et l’a emmené 3 semaines faire le tour de vieilles pierres à seule fin de remettre les pendules à l’heure. C’est immense, ça m’a aidé, c’est fabuleux.
C. sa mère lui a fait reproche le matin même qu’une seule cuillérée de ce qu’elle vomissait suffirait à nourrir un biafrais. Du coup elle est passée en mode anorexie. Gagné !

Le reste de la famille, les amis et les passants
S : son mari la traite de gros lard. Elle envie ceux qui arrivent à vomir.
J : on s’est contenté de me faire la morale. Ca prend vite le chou.
C : quand un oncle m’a dit «2 claques et c’est réglé » je me suis isolée.
Beaucoup. ont envoyé des signaux : cutter,auto destruction , auto mutilation, toc,…..avant de tomber dans le problème nourriture

L’environnement institutionnel : scolaire et médecins
Trouver un psy, une aide médicalisée sérieuse est un chemin de croix.
J. était en pension, elle buvait et il lui est arrivé de rentrer en classe soule. Les profs lui demandaient de sortir en lui disant tu es saoule. Personne ne lui a tendu la main. Personne n’a prévenu les parents.
L’école serait elle elle aussi la grande muette ?
La plupart ont écumé tous les médecins sans rencontrer d’interlocuteur qui leur convienne.
Tous se plaignent du manque de cœur et d’écoute des médecins. Aucune compassion, uniquement des conseils reposant sur des jugements et des dogmes.
Pourtant c’est simple on cherche de l’amour vrai pour planter des racines et se laisser aller à trouver son « moi ».
Il faut noter aussi le côté pervers de consulter trop de médecins. Ainsi J. nous dit « je me suis servie de la diététique pour m’ancrer dans la maladie ».
Psychiatre, psychologue, psychanalyste, comment s’y retrouver dans cette jungle ? On a vite fait d’aller vers des charlatans, même si il y a certainement des personnes bien dans ce milieu.

faut-il s’isoler ?
M. a commencé à vomir alors qu’elle était enceinte d’un petit 3e non désiré et que son mari commençait à s’éloigner d’elle. . Le fait de vivre avec ses enfants a mis des limites à ses vomissements.
Toutes notent que leur répertoire téléphonique est quasi vide.
Je n’ai plus d’ami ; c’est normal, je les ai repoussés.

Terminons ce compte rendu par une phrase d’Albert Schweitzer  « le vrai médecin est le médecin intérieur ».
Nous attendons de notre entourage qu’il nous aide à le découvrir, ce « moi »
MC
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remerciements

Message par MC »

Ca y est , grâce à l’aide de J qui a fait le voyage éclair
entre Courbevoie et Allauch , nous avons pu avec réussite ouvrir notre
premier groupe de parole à Allauch.
Je voudrais personnellement remercier avant tout mais non seulement
J pour ce dévouement et pour cet amour qu’elle nous a offerts mais
aussi , C, MA, V, A, K, F, B…. : toutes ces personnes du groupe parisien
ainsi que J d’Avignon et P de Provence , sans lesquels ce groupe
n’existerait pas.
et surtout ma chère fille J qui se bat contre la maladie et m'encourage dans ma démarche..

Marie Christine
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