L'hyperphagie au masculin

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Chateaubriand78
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L'hyperphagie au masculin

Message par Chateaubriand78 »

Bonjour à tous,

Je suis un homme de 43 ans et je suis hyperphage depuis mes 11 ans. Bien sûr, à l'époque, je ne me disais pas hyperphage car je ne connais ce mot que depuis quelques années. Je disais que j'étais gourmand. L'année de mes 11 ans, j'ai perdu coup sur coup mon grand-père adoré et mon meilleur ami. La nourriture a alors été mon refuge et c'était un vrai plaisir quand je mangeais seul. Je me rappelle qu'ado, je n'attendais qu'une chose : que mes parents partent se promener pour être seul à la maison et... manger, bouffer, me goinfrer. Ma mère râlait en voyant diminuer ses stocks de biscuits, de brioches mais quel pied avais-je pris !

Les effets de ce TCA se sont vite manifestés car j'ai pris énormément de poids. Je pourrai écrire un livre entier sur ma vie d'hyperphage. La nourriture me pourrit l'existence depuis une bonne trentaine d'années. Aussi, comme j'ai pris du poids, j'ai fait des régimes. L'effet Yoyo fut radical ! Je reprenais toujours plus que ce que j'avais perdu.

Mon hyperphagie s'est un peu calmée ces dernières années depuis que j'ai identifié cette pathologie d'une part et d'autre part en comprenant que je me conduisais ainsi à cause d'une grande carence affective doublée d'un sentiment d'abandon remontant à l'enfance. Aussi, dans ma vie personnelle, je suis heureux.

Cette année, j'amorce une reconversion professionnelle et l'hyperphagie est revenue en force !
Début janvier, je me suis inscrit pour la 5000000000e fois à [...] pour perdre du poids. Ca a marché jusque vendredi où j'ai complètement craqué. Sur mes [...] kilos perdus, j'ai déjà du en reprendre deux... je pense.
Je me rends compte qu'en fait, je peux faire tous les régimes que je veux, tant que mon rapport à la nourriture ne sera pas sain, je n'y arriverai pas et je serai toujours en surpoids, ce qui me pourrit la vie.

Qu'en pensez-vous ? J'envisage un rééquilibrage alimentaire mais j'ai l'impression que la prise en charge des addictions alimentaire est encore marginal.

Merci de m'avoir lu !

Bonne soirée ! :D

ChateauB.
Erzsie
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Re: L'hyperphagie au masculin

Message par Erzsie »

Bonjour ChateauB,

Les TCA touchent effectivement davantage les femmes que les hommes (il n'y a qu'à voir ce forum ;) ), mais une fois qu'ils sont apparus, c'est exactement la même chose pour hommes et femmes. Comme toi je suis devenue hyperphagique à 11 ans, comme toi je ne connaissais pas le mot, etc.

Il me semble qu'il y a trois points importants dans ton témoignage :

- La carence affective, qui remonte, dis-tu, à l'enfance. Malheureusement, c'est, si j'ose dire, un grand classique chez les boulimiques.
En fait, le rôle de la nourriture, c'est de combler le vide généré par la faim, le vide du ventre. Le problème, c'est que les boulimiques utilisent la nourriture pour combler d'autres vides qui n'ont rien à voir avec la faim (sentiment d'abandon, angoisse...) Et pour ces vides-là, la nourriture ne peut absolument rien, on le sait tous.
Donc la seule solution que je vois, c'est de combler les vides que tu ressens de la manière appropriée, c'est-à-dire avec autre chose que les aliments. Pas facile évidemment, quand on éprouve des manques affectifs. Un psychologue, par exemple, pourrait-il t'aider ?
Sinon, il y a une autre solution, difficile elle aussi : c'est accepter de ressentir ces vides, accepter qu'ils soient là, apprendre à les tolérer. Personnellement, je ne sais pas vraiment le faire, mais il semble qu'il y ait des méthodes pour cela, comme la pleine conscience.

- Les régimes ? Tu le dis toi-même, ils ne marchent pas (sinon, tu ne t'inscrirais pas pour la énième fois à je ne sais quel programme). Et le rééquilibrage alimentaire... j'ai l'impression que c'est le nom plus acceptable qu'on donne à des régimes dits équilibrés. Tu l'as parfaitement cerné, ton problème, ce n'est pas les aliments que tu manges, c'est le rapport que tu as avec eux. C'est cela, la clé.

- Je suis frappée que tu insistes comme tu le fais sur le plaisir. "c'était un vrai plaisir quand je mangeais seul", quel pied avais-je pris".
Il me semble que tu résoudras en partie ton problème si tu arrives à trouver quelle est la nourriture susceptible de te procurer autant de plaisir, que tu en avais autrefois par tes crises hyperphagiques, mais sans les inconvénients de celles-ci. Et ce n'est pas un régime, quel qu'il soit, qui t'y aidera.

Je ne sais pas si ce que j'écris te sera d'un grand secours, mais peut-être trouveras-tu une ou deux choses qui feront écho en toi ?

Bonne journée.
Chateaubriand78
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Enregistré le : 15 mars 2022, 19:05

Re: L'hyperphagie au masculin

Message par Chateaubriand78 »

Bonjour Erzsie,

Merci beaucoup pour ton post et ton ressenti à la lecture du mien.

Bien évidemment, plusieurs choses dont tu parles font écho en moi.

J'ai consulté à maintes reprises pour mon hyperphagie. En fait, depuis 2006, je me bats vraiment contre ce mal. Cela est venu par hasard. Sur internet, une étudiante en psychologie avait besoin de volontaires pour une étude sur les TCA. Je supposais avoir un TCA donc j'ai candidaté et j'ai pu participer à l'enquête. C'est elle qui m'a parlé d'hyperphagie. Ca a été une révélation. Je pouvais mettre un mot sur mon maux. Ensuite, en 2008, j'ai intégré un programme de lutte contre l'obésité dans un hôpital pas loin de chez moi mais je ne me sentais pas à ma place car l'approche était surtout alimentaire et dans une moindre mesure psychologique. De même les rendez-vous étaient en journée et je ne pouvais me libérer du travail facilement.

En 2009, j''ai consulté un psychologue que je vois encore parfois. Je suis allé le voir en disant en gros (sans mauvais jeu de mots), je n'arrête pas de manger et ça me gâche la vie. La thérapie fut longue et douloureuse mais utile. J'ai ainsi pris conscience que manger à outrance était l'arbre qui cachait la forêt. Nous avons mis à jour cette carence affective si récurrente chez les personnes atteintes de TCA, un sentiment d'abandon prégnant (je fus envoyé chez une personne de ma famille pour ma santé à l'âge de 2 ans et donc séparé de mes parents et frère et soeur), une hypersensibilité et un trouble de la personnalité borderline. Bref, un savoureux cocktail comme tu le vois.

Cela ne m'empêche pas d'avoir une vie stable : un conjoint, un enfant, un travail. De même, mes crises n'ont plus rien à voir avec avant. Avant, je dévorais. Aujourd'hui, le comportement est là mais les quantités absorbées sont moindres. J'avance donc !

En te lisant, je me rends compte qu'en fait, je suis sur le bon chemin. Effectivement, au plus fort de mes crises d'hyperphagie, j'étais quelqu'un qui n'avait aucun loisir. Pourtant, je suis une personne curieuse d'esprit. Je ne vivais que pour mon travail. Depuis, les choses ont bien changé. Entre temps, j'ai fait du théâtre, je fais du sport, je cuisine, je lis et j'ai envie de me mettre à l'écriture (pourquoi pas raconter mon histoire). De même, j'ai une vie stable (un conjoint, des enfants, un travail)

Néanmoins, je ressens encore cette fragilité qui, je pense et tu le dis, sera toujours là. Je devrais faire avec. Un peu comme un alcoolique. J'ai un tempérament addict, je dois faire avec.

Merci en tout cas pour ton message. Ca fait du bien de pouvoir s'exprimer librement et surtout d'être compris.

Et te concernant, arrives-tu à expliquer ce qui t'a mené à l'hyperphagie ?

Belle journée ! :fairy:
Erzsie
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Re: L'hyperphagie au masculin

Message par Erzsie »

Bonjour Chateaubriand,

C'est surprenant comme je me reconnais dans ce que tu décris : hypersensibilité, fragilité affective, troubles borderline, personnalité addictive...

Pour répondre à ta question, sur ce qui m'a conduite à la boulimie, c'est évidemment un ensemble de raisons, je ne pense pas qu'il y ait une seule cause qui explique la survenue des TCA. Dans mon cas, une personnalité donc fragile, avec principalement la peur de ne pas être aimée, que je relie à mon père, et à son comportement avec moi.
Mais à force d'y réfléchir, j'ai trouvé d'autres origines à ma boulimie : notamment le fait que quand j'étais petite, les repas étaient loin d'être un moment que j'appréciais, on mangeait beaucoup de surgelés, une nourriture très basique... et en silence, car mon père écoutait la radio midi et soir. Donc je n'avais qu'une idée, vite manger pour sortir de table. Et je pense que j'ai remplacé le plaisir alimentaire qu'on éprouve normalement au cours d'un bon repas, pris dans des conditions agréables, par le plaisir de l'excès, que tu évoques dans ton premier post.

Un dernier point : j'ai mis longtemps avant de réaliser qu'en réalité, pendant des années, je n'ai pas eu vraiment envie de guérir. Enfin si, je le voulais, parce que j'étais terriblement malheureuse, mais je pense qu'inconsciemment, je ne voulais pas renoncer à certains bénéfices que je retirais de ma maladie. Entre autres, le fait qu'elle me permettait de me dérober face à certaines difficultés de la vie, je pouvais mettre en avant mon statut de malade. Il y a aussi un autre bénéfice que je retirais de ma boulimie, toujours le même : le plaisir provoqué par les compulsions. Si je guérissais, d'accord, je serais la plus heureuse du monde... mais quel plaisir viendrait remplacer celui de la nourriture pléthorique ? Pour guérir, il m'a fallu renoncer à tout cela, et trouver des compensations, à la hauteur de ce que j'avais perdu.

C'est parce qu'il y a tellement d'enjeux dans les TCA que je ne crois pas vraiment aux approches nutritionnelles pour guérir, et je n'ai pas l'impression que tu y croies non plus. ;) Disons que cela peut être un coup de pouce, c'est tout.


Sur ta fragilité psychologique, bien sûr qu'elle sera toujours là. Mais elle n'est pas forcément une faiblesse, il faudrait que tu apprennes à la tolérer (dit-elle, alors qu'elle est bien incapable de le faire ! :- ), à en faire un atout. Mais par rapport à ton hyperphagie, il faudrait surtout que tu trouves d'autres manières de résoudre cette fragilité que passer par la nourriture. Parce que tu sais très bien que la nourriture ne te rend pas moins fragile... Mais tu sembles déjà le faire en partie, on voit que tu es engagé dans une vraie démarche de guérison, et c'est tant mieux.

Je rajoute qu'écrire, ça me paraît une excellente idée. :-D

Bonne journée.
Chateaubriand78
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Re: L'hyperphagie au masculin

Message par Chateaubriand78 »

Bonjour Erzsie,

C'est incroyable comme ton message fait écho en moi et me permet d'avancer. En te lisant, j'ai eu des prises de conscience que je n'avais eu jusqu'à présent et cela m'aide énormément pour me dire qu'il est temps pour moi de passer à autre chose.

Serais-tu ok pour que nous poursuivions nos échanges en mp stp ?

Je vais relire ton message, j'ai besoin de le "digérer" pour y répondre... non rassure toi, je ne vais pas jusqu'à manger les messages.

En tout cas, ça fait du bien de se sentir compris.

Belle journée à toi, :fairy:

Chateaubriand
Thom
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Re: L'hyperphagie au masculin

Message par Thom »

Hello!

Beaucoup de points en commun avec toi.
42 ans, Hypersensible, anxieux avec un fort sentiment d’insécurité lié à l’enfance.

Dernièrement après un burn-out, une reconversion en plein covid, mes tca sont revenus en force. Je n’arrive toujours pas à gérer mes émotions autrement que par la nourriture, ce qui ne m’aide pas à avoir une bonne image de moi.
Même s’il m’arrive de désespérer, je reste quelqu’un de résolument optimiste. Je teste toutes sortes de choses pour essayer de prendre soin de moi (cuisine, voyage, musique, sorties…).

Je n’ai pas de solutions miracles à te proposer, mais je peux te proposer de rentrer en contact, dans un premier temps par mail ou message whatsapp.
Se parler, échanger ou se motiver peut toujours être bénéfique pour gérer au mieux les moments de crises.

Courage en tous cas!

Thomas.
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