Un témoignage de plus.

[kArela]

Bonjour,
J'ai lu quelques témoignages et j'ai eu, moi aussi, l'envie de me raconter un peu, en essayant de faire court...
Je m'appelle Laura, j'ai 35 ans, et depuis au moins sept mois mon quotidien est secoué par les pensées redondantes, obsédantes de l'ogre niché au sommet de ma tête. Au départ, j'appelais cela des "compulsions alimentaires", puis j'ai lâché les mots "crises de boulimie" qui ont une portée plus forte à mon sens... mais ce qui compte aujourd'hui c'est l'influence de ces états sur ma vie et ma façon d'être avec moi-même, et les autres.
Pour moi, lorsque je fais une crise de boulimie, c'est lorsque l'ogre prend possession de tout mon être : c'est lui qui contrôle mon cerveau, mes faits et gestes. Je ne pense qu'à cela : me procurer de la nourriture et manger, manger, MANGER. C'est MA mission. Je ne vois plus que ça, plus rien n'existe. Je peux être en train de travailler, partager un moment en famille, entre amis ou avec mon amoureux, je ne suis pas vraiment là, ma mission prend le dessus, devient MA priorité et je dois ABSOLUMENT la réussir... Je peux être amenée à écourter le moment présent, à mentir aux autres, à annuler des événements à la dernière minute, à tout écarter, bouger, chambouler, parce que la réussite de ma mission est, dans ces instants-là, vitale. J'écris "écarter, bouger, chambouler" et ce que j'en ressens c'est comme une perte d'équilibre, comme si quelque chose se décrochait de son socle, le sol sous mes pieds n'est plus solide.

Si parfois je la flaire, si parfois même je l'organise en lui faisant consciemment de la place, je ne sais jamais quand une crise va s'arrêter. J'ai constaté, à force, que c'est jamais sans un ventre-ballon et sans un inconfort, physique et émotionnel, quasi bloquant pour le reste de la journée. C'est jamais sans une envie de m'échapper, de cette situation, de cette bouffe, de ce corps, de cette tête ; de courir loin, d'aller chercher de l'air, d'aller faire de l'activité physique, d'aller vomir pour rejeter cette merde de gras, d'ailleurs c'est jamais sans la sensation de me transformer en une masse difforme, d'être enveloppée de graisse si bien que mes doigts affolés recherchent en vain la sécurité des os... C'est jamais sans cette chaleur au niveau des joues enflées, jamais sans cette volonté de dégonfler, VITE ! De faire disparaître les traces, toutes les traces !!! Dans ces moments-là, je suis dans une autre dimension... Y entrer est désespérant, y sortir est usant. Et rebelote, la vie reprend, les crises aussi... Sensation de s'extraire pour mieux s'engouffrer....
J'ai écrit que "mon quotidien" était secoué par ces crises, mais elles impactent également le quotidien de mes proches : on me retrouve généralement tendue, fragile, abattue, perdue.

J'ai précisé mon âge, parce que j'ai longtemps associé les TCA à l'adolescence. Et en effet, le sujet de l'alimentation ne date pas de ce jour pour moi... A cette période, et aussi loin que je m'en souvienne, j'étais ronde et notre médecin traitant avait conseillé à ma maman qu'un régime me serait bénéfique. J'ai beaucoup perdu non sans maux, et puis la vie a continué et l'alimentation n'a plus été un problème, n'a plus été LE sujet central de ma vie... Jusqu'en avril 2024 où j'ai souhaité perdre du poids et me raffermir, observant les quantités que j'avalais, me trouvant trop gourmande : une ogre ! J'ai perdu et puis les crises sont apparues... Je n'en parle pas réellement, mais le chiffre sur la balance est important pour moi. J'apprends à ce qu'il soit couplé par d'autres chiffres tels que le pourcentage de massage graisseuse, de masse musculaire... Mais il reste un pilier pour moi. Il me frustre, m'inquiète, me tourmente, me rassure, m'enthousiasme, il se joue de moi.
Récemment, j'ai tenu deux semaines sans aucune crise, en mangeant sainement, en perdant du gras, en me musclant. Aujourd'hui, nous sommes mercredi et j’enchaîne les crises depuis le début de la semaine. Mais je m'accroche pour retrouver un équilibre.

Je souhaite à toutes celles et à tous ceux qui se sentent débordé(e)s, submergé(e)s, noyé(e)s de (re)trouver leur paix intérieure.