témoignage porteur d'espoir

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lolagag
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témoignage porteur d'espoir

Message par lolagag »

Bonjour à tou-te-s,

Je m'étais promis que si je parvenais à sortir de l'esclavage des TCA je viendrais témoigner de mon parcours. Aujourd'hui je vais mieux et voudrais partager cette bonne nouvelle avec celles et ceux qui, empêtré-e-s dans les symptômes, pensent qu'il n'y a pas d'issue heureuse à cet enfer, qui pour moi est une crise existentielle.
J'ai été atteinte d'anorexie et de boulimie de mes 20 ans à mes 35 ans (j'en ai 37), bien qu'il y ait eu des prémices dès le début de mon adolescence.
J'ai tour à tour connu la jouissance des symptômes, un perfectionnisme mortifère, le désespoir, le sentiment d'être piégée, le dégoût de moi, la culpabilité de faire souffrir mes proches, l'isolement, et l'identification à la maladie. Ma vie a été entrecoupée d'hospitalisations plus ou moins barbares et inadaptées et de nombreuses 'rechutes'. Attention je ne veux en aucun cas diaboliser les hospitalisations, lorsque le danger est imminent elles peuvent s'avérer nécessaires. Mais dans mon cas, tant que les deuils que j'avais à faire n'avaient pas en partie été réglés et qu'un travail approfondi de connaissance de moi n'avait pas été bien amorcé, cela constituait un pansement sur une jambe de bois. Ça me permettait de me recharger physiquement mais ne me permettait pas réellement d'y voir plus clair dans mon histoire, de comprendre la fonction des symptômes dans ma vie et d'identifier mes désirs réels, mes besoins, mes limites etc...
Ce travail là j'ai pu le faire par la suite en thérapie, et c'est ce qui m'a permis de m'extraire des troubles, de prendre ma place et de la distance par rapport à une famille dysfonctionnelle. La rencontre avec mon actuelle psychiatre a été décisive. J'avais besoin d'une thérapeute qui pouvait jouer tout les rôles (rôle de guide, de caillou dans la chaussure, rôle paternel comme maternel) et savait être ferme, poser des limites (car je n'en avais aucune ou du moins ne les connaissais pas) mais aussi faire preuve d'empathie. Cette psychiatre n'hésite pas à s'impliquer corps et âme dans la thérapie et m'a aidée à accoucher de moi-même, la vraie Laurence, pas celle qui s'efforçait (à s'en rendre malade) à correspondre aux attentes fantasmées d'autrui. Elle n'a jamais fait à ma place, elle m'a accompagnée dans mon exploration de mes ressources, de mon histoire, de ma personnalité. En parallèle à cette thérapie qui m'a aidée à m'affranchir de mes entraves, à m'émanciper toujours plus, à renouer avec une créativité salutaire, j'ai fréquenté un GEM (groupe d'entraide mutuelle) ouvert aux personnes souffrant de TCA. J'ai pu doucement me laisser apprivoiser, créer des relations de confiance et ainsi reprendre confiance en moi. Cette association m'a aidée à me réinscrire dans une vie sociale et à me réinsérer.
Aujourd'hui je suis toujours en thérapie et trouve passionnant d'explorer mes différentes facettes. Je fais un travail que j'aime et qui m'enrichit au quotidien (je travaille à mi chemin entre le social et la culture, deux domaines qui m'ont toujours plu). Je reste fragile, je le sais et suis vigilante. J'apprends à m'écouter (contrairement à la phrase qui a été le leitmotiv de mon éducation à savoir: 'ne t'écoute pas').
Je suis beaucoup plus apaisée, parviens à me positionner tranquillement et me sens bien plus apte à faire face aux épreuves. Lorsque ma relation à la nourriture se crispe légèrement je sais que j'ai quelque chose à réajuster dans mon rapport à moi-même, au monde ou aux autres. Ma fragilité est devenue une force et une bossole.

J'ai autour de moi des amies qui sont encore prises au piège de la maladie et aimerais tellement avoir une recette à leur livrer afin qu'elles aillent mieux. Mais je suis incapable d'expliquer de manière précise comment je me suis extraite des symptômes. Chaque parcours est unique, chaque rythme est singulier et mes clés ne seront peut-être pas les vôtres.
Cela dit je peux essayer de vous donner des éléments qui ont favorisé mon cheminement vers plus de paix.
Je viens de m'apercevoir que je n'avais pas détaillé ce en quoi le GEM (groupe d'entraide mutuelle) m'a aidée . Outre l'aspect de partage, de convivialité et d'entraide que j'ai pu explorer avec les adhéren-te-s de l'association, j'ai participé à de nombreux ateliers d'expression et de relaxation. Cela m'a aidée à évacuer mes angoisses, à prendre une place et à mieux me connaître.
J'ai effectivement à un moment de mon parcours fait beaucoup de 'terre' (du modelage d'argile), atelier qui m'a permis de faire remonter de nombreux souvenirs enfouis que j'ai ensuite pu travailler avec ma psy.
J'ai été très régulière à l'atelier d'écriture, auquel je vais encore aujourd'hui (l'écriture a toujours été un médium privilégié d'expression pour moi mais, lorsque j'allais trop mal, j'arrêtais d'écrire. Cet atelier m'a donc permis de garder avec régularité cette activité qui participait à mon équilibre).
J'ai aussi fait du théâtre de manière souple et informelle: cela m'a permis, outre l'aspect convivial, de renouer avec ma spontanéité et mon imaginaire.
En parallèle j'allais régulièrement à un atelier relaxation, afin d'apprendre à être dans le moment présent et à gérer mes angoisses.
Evidemment tout cela n'était pas une mécanique bien huilée et je n'étais pas régulière tout le temps, cela dépendait de l'intensité des symptômes et de mon état d'esprit. Lorsque j'étais trop mal j'avais tendance à m'isoler et à tout arrêter. Puis petit à petit les bénéfices étant bien plus grands que les inconvénients et un léger mieux-être commençant à émerger, j'ai poursuivi mes efforts avec plus d'assiduité.
Il y a deux ans, alors que ma thérapie et la fréquentation de ce GEM contribuaient à améliorer mon état, j'ai décidé de reprendre mes études (une fois de plus car je les ai reprises à 3 reprises. Et à chaque fois, lorsque j'obtenais mon diplôme, je passais à autre chose). Cette formation de libraire est un cycle court et professionnalisant (alternance de cours théoriques et stage sur une année). Il se trouve qu'une copine du GEM que je croisais au GEM mais ne connaissais pas vraiment s'était aussi inscrite à cette formation. Nous nous sommes donc beaucoup rapprochées durant cette année d'études et elle m'a donné beaucoup de courage. Elle a longtemps été anorexique/boulimique elle-même et allait mieux depuis deux/trois ans. Moi j'étais encore très handicapée par des crises de boulimie pluri-quotidiennes (suivies systématiquement de périodes restricives). Lorsque je rentrais de cours ou de stage je passais ma nuit à faire des crises. J'étais épuisée littéralement. Mais Cécile me prouvait qu'on pouvait s'en sortir. Je me suis accrochée pour aller jusqu'au bout de cette année chaotique et je suis parvenue à décrocher mon diplôme.
Je l'ai obtenu en juin 2016 et à partir d'août 2016 les symptômes ont nettement diminué.
Cette diminution est certainement liée à de multiples éléments: ma thérapie joue une place fondamentale, les ateliers d'art-thérapie aussi, mais je pense que le fait d'avoir mener à bien ce diplôme de libraire et de m'être liée à UNE FILLE QUI S EN ETAIT SORTI a été déterminant dans mon amélioration.
Toutefois, avec la considérable diminution des symptômes une grande angoisse a émergé. Celle que j'étouffais méthodiquement à chaque crise depuis presque 20 ans.
J'étais plus à fleur de peau que jamais et ai dû mettre en place de nombreuses stratégies pour supporter cette période anxiogène mais nécessaire pour accéder à mes failles et à mon histoire une bonne fois pour toute, condition sine qua non à mon rétablissement et à mon émancipation.
A cette période-là j'ai été aux ateliers d'écriture et de modelage de l'argile quasiment tous les jours et voyais ma psy 2 à 3 fois par semaine. Tout ça m'a permis de passer ce cap particulièrement difficile. Et petit à petit, alors que grâce aux ateliers et à la thérapie je me réappropriais mon histoire et mon corps, en devenant de + en + actrice de ma vie, les angoisses ont baissé et les symptômes sont devenus de + en + rares, jusqu'à disparaître à ma stupéfaction. Cette période a été accompagnée d'un sentiment d'inconfort et de malaise par rapport à mon corps. La crainte de prendre du poids de manière illimitée m'a terrorisée mais le concret me prouvait le contraire: en remangeant de plus en plus 'normalement' (en écoutant les signaux de mon corps mais aussi mes envies) j'ai atteint un poids santé (ce poids santé est appelé poids de forme) qui ne bouge plus depuis 2 ans et j'ai retrouvé mes règles rapidement alors que je ne les avais plus depuis des années. Il n'a pas été simple d'accepter un corps en santé après avoir été décharnée (et dans la jouissance d'être maigre). J'avoue qu'aujourd'hui encore je n'ai pas la relation la + pacifiée du monde avec mon corps, mais je l'accepte et n'ai plus aucune envie de le martyriser. J'apprends à prendre soin de moi (et donc de lui) au quotidien. Ce qui a été compliqué aussi a été de lâcher le statut de malade, l'identité d'anorexique qui avait presque fini par me définir. Le fait de voir que l'entourage était rassuré de me voir aller mieux m'a fait très peur. Jusqu'à cette année 2016 je ne m'étais jamais positionnée autrement qu'en tant qu'anorexique. Je me suis demandée comment j'allais faire pour exister autrement. Je doutais même que cela soit possible. Et j'ai tout doucement fait l'expérience que j'avais une densité intérieure suffisante pour prendre ma place différemment.
Ces quelques mois de révolution, bien qu'extêmement anxiogènes, ont été nécessaires et salutaires. Je me sens tellement mieux et plus libre aujourd'hui. Et désormais ma plus grande force est d'accepter mes limites et d'en tenir compte.

Je connais de nombreuses personnes qui vont mieux alors même qu'elles étaient qualifiées de chronique.

Il n'y a ni malédiction ni fatalité. La maladie n'est pas un destin, tout cela peut évoluer favorablement et même devenir une force. Si j'ai pu aller mieux vous le pouvez aussi.

Du courage à tou-te-s.

Chaleureusement

Laurence
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