Bonjour Sehn,
Je me permets de vous répondre, en tant qu'anorexique-boulimique (mais bien avancée sur le chemin de la rémission...j'y suis presque!!!)depuis maintenant 17 ans...
Je comprends votre souffrance en tant que parent, en tant que que proche, je comprends votre colère, vous vous sentez désarmé et dans l’incompréhension totale...
Lors de mes 1eres crises à 16 ans, mes parents refusaient que je vois des psys, "pour mon bien" ("ils vont t'enfermer" me disait ma mère!); ils avaient probablement très peur de ce que les professionnels pourraient découvrir à leur sujet...
J'ai donc du me battre seule...en sachant depuis toujours, inconsciemment que quelque chose clochait dans ma famille.
Bref, presque 20 ans à me battre comme une enragée pour ne pas couler, à remuer dans tous les sens pour ne pas me noyer: j'ai recherché des infos moi-même, beaucoup, vu psychologues, médecins, sophrologues...
Un burn-out il y a 2 ans m'a "aidé" à accéléré le processus de compréhension.
Vous pouvez lire mes autres posts pour comprendre un peu mieux mon histoire.
Attention, je ne suis pas en train de vous dire que le problème vient systématiquement de la famille ou des parents, ils se trouvent que les miens sont des gens particuliers, un père manipulateur, méchant, vicieux, mère dépressive....etc... dans mon cas c’était le problème.
Ce que je veux vous dire aujourd'hui c'est que les TCA sont le reflet d'un
problème existentiel profond, qui prend forme par une difficulté de relation avec la nourriture, comme une addiction. Le malade pourrait tout aussi bien se droguer ou boire: il trouve un moyen de substitution pour ne pas souffrir mentalement, détourne ses problèmes car il ne sait pas les exprimer.
Je peux vous dire que GAVER un malade de TCA, a fortiori contre son gré, même en lui faisant prendre des stimulants de la faim est une erreur: c'est un pansement sur une jambe de bois!
Cela va
vous rassurer de voir votre fille manger, certes, mais cela ne réglera en aucun cas son problème profond. Au contraire, plus elle grossira SANS MAITRISE VOLONTAIRE de sa part, plus elle voudra vite maigrir après...cercle infernal...du poids, mais aussi des angoisses...
Sauf en cas d'hospitalisation des anorexiques en danger de mort immédiat, gavées par sondes en milieu médical.
De plus, ne jouez pas l'apprenti sorcier en lui faisant avaler des substituts de cannabis!!!
Je pense que vous mentiriez à votre fille, l'infantiliseriez alors qu'elle est en recherche d'elle même.
AUCUN malade ne prendra le chemin de la guérison s'il ne l'a pas (même un tout petit peu) décidé LUI MÊME!!
Votre fille doit:
-prendre conscience de la situation
-réaliser ce qui lui arrive sans culpabilisation (alors oubliez les "mange!", "fais nous plaisir", "qu'est-ce qu'on t'a fait pour que tu nous fasse un coup pareil?"...)
-voir ce qu'elle peut gagner en guérissant
-explorer les tréfonds de son âme pour essayer d'y trouver les cœurs des problèmes
-comprendre ses problèmes, se les approprier et les regarder en face
-se détacher de ses problèmes, et les laisser derrière elle
-devenir ce qu'elle est vraiment.
Evidemment, ce travail ne PEUT PAS se faire seul: il faut prendre une distance de champs qui n'est possible que grâce à un professionnel.
Un psychologue, psychothérapeute, psychanalyste, sophrologue.
Attention aux psychiatres, qui, hélas, prescrivent trop vite des hypnotiques qui anesthésient mais ne résolvent rien, puisque le patient ne peut plus réfléchir...
Si votre fille n'est pas en danger de mort (maigreur extrême, squelettique, genre Auschwitz), il ne faut pas la traiter comme une malade que l'on regarde de travers, dont on surveille les repas,...
Amenez là vers l'extérieur, conseillez lui de continuer sa thérapie avec la psychologue: c'est un travail TRES TRES LONG, c'est à VOUS de prendre votre mal en patience, en évitant de lui demander à chaque séance "alors, ça avance?". Vous la culpabiliseriez encore.
Pardon si mes phrases sont directes, mais je sens bien que vous voulez l'aidez, mais que vous "partez dans tous les sens", sous le coup du désespoir...
Essayez de ne pas placer ce problème de TCA comme étant votre problème (qui viendrait gâcher votre vie tranquille et idéale avec votre petite fille modèle), ne soyez pas égoïste car vous souffrez, mais dites vous que c'est ELLE qui souffre le plus.
Accompagnez la, ne la jugez pas, ne la brusquez pas.
Je sais, c'est dur et mes paroles doivent vous sembler bien osées, et bien insolentes...
Vous devez prendre sur vous, c'est votre rôle d'accompagnant, restez la référence de sécurité pour elle, ne devenez pas son ennemie en la "harcelant" (c'est ce qu'elle ressentira, croyez moi, je connais).
Voilà, je me tiens à votre entière disposition, je serai ravie de pouvoir vous "traduire" le langage que parle les malades de TCA, et leurs émotions.
