Ce samedi a été l'une des pires journées depuis un moment. Pourtant, maintenant que j'ai dormi dessus, il me parait loin, et c'est tant mieux.
Du matin au soir, j'ai tenté de me décider entre les deux choix possibles qui m'obnubilaient à m'en rendre dingue. Avaler tous mes cachets, et enfin trouver le sommeil, arrêter de faire semblant d'aller mieux pour rassurer mon entourage, agir seulement pour moi, m'accorder la délivrance. A plusieurs reprises, je me suis levée du canapé, direction le tiroir à pharmacie, mais quelque chose en moi je voulais pas que je le fasse, et me disait qu'il serait encore temps de le faire demain, si j'en avais toujours autant envie.
A d'autres moments, je me suis levée avec la ferme intention de réunir quelques affaires dans un sac, d'appeler un taxi, et de me faire conduire à l'hôpital, au moins pour quelques jours.
Finalement, me voilà. Je n'ai fait ni l'un ni l'autre.
J'ai, en revanche, été forcée d'admettre que je suis fatiguée, que c'est les nerfs qui me tiennent, et qu'eux aussi, peuvent lâcher. Je vis dans une torture que je m'impose en permanence. Je fais tout, tout, le moindre détail, pour me contrarier, je refuse de prendre les anxiolythiques car je sais qu'ils me soulagent. Je m'interdis de dormir, de me reposer. J'ai tellement culpabilisé en m'offrant un cd ou une fringue de temps en temps que la notion de plaisir a fini par s'éteindre, je n'ai envie de rien.
Quant à mes études, elles sont mon unique point d'accroche, et la peur de me planter est une pression que je ne cesse d'augmenter, ce qui me fait souffrir un peu plus. Tenter de faire un repas, insuffisant à chaque fois, inutile de me leurrer, me prends tellement de temps que je m'en lasse, ça m'énerve, je laisse l'assiette de côté pour me remettre à mon mémoire. Seulement, mes neurones ne l'entendent pas comme ça. "Tu ne nous donnent rien? On ne te donnera rien non plus", ils ont l'air de me narguer. Alors je me transforme en légume pendant une heure, prostrée dans un coin du salon, à me demander où est ma vie, où je suis. Parce que ce n'est pas moi tout ça.
Les bonnes résolutions se sauvent en courant à la vue du moindre aliment, effroi total, dégoût, panique, haine. Poids stable mais ridicule.
Cependant, dans tout ce brouillon de réflexions et de constats, une pensée positive ce matin: un kilo de pris, c'est une dose de souffrance perdue.
J'ai l'impression que je suis partie trop loin pour revenir, c'est si dur, si long. Oh, je n'aime pas dire ça, faire ma geignarde.
Le seul conseil de mes proches, c'est l'hospitalisation, mais je m'y refuse. Hier, c'était la première fois que j'y pensais sérieusement. Mais je ne veux pas laisser mon autonomie, enfin le peu qui m'en reste, laisser mon mémoire à l'abandon. Mes espoirs. Je ne veux pas qu'ils me quittent comme ça. Je voudrais finir mon année universitaire au moins. Je suis perdue. J'ai mal partout. A l'intérieur surtout.
Mais je refuse de laisser tomber. Pas maintenant, je me sentais avancer, ça ne peut pas s'arrêter comme ça.
Je ne veux pas.