Ce soir les questions se bousculent, je suis face à moi, comme face à un reflet dont on cherche difficilement les contours.
Je remets en question tellement de choix, je doute, le doute est humain parait-il? mais jusqu'à quel point.
J'ai du mal à être sûre de mes choix, ce manque de confiance se voit, on me le repproche souvent en stage, c'est là que ça me fait le plus défaut. Alors c'est vrai que c'est normal que ce soit ce soir que les questions fulminent, la veille de mon stage au bloc où je n'ai encore jamais mis les pieds, où l'ambiance est tout autre, un monde à part où l'étudiant n'est pas toujours à sa place...
J'ai du mal à "oser" non seulement dans le cadre de mon boulot, ce qui est facheux parfois, mais aussi dans ma vie. Ca m'empêche mine de rien de faire pas mal de choses, oser aller vers quelqu'un qui vous pleit, oser dire non, oser dire ce que l'on pense... Je ne peux pas jouer la "faux-cul" à longueur de journée mais j'ai des manières bien détournées de faire comprendre ce que je pense, parfois indescriptiibles aux yeux de tout être humain normalement constitué. Parfois je ne me tais pas, je le dis franchement ne sachant pas comment formuler mes phrases et rendant certains propos confus, anarchiques.
Pourtant, grand paradoxe, aujourd'hui plaire à tout le monde n'est pas vraiment mon but, il y aurait même des personnes à qui je ne voudrais plaire pour rien au monde. Mais je reste dans mon mutisme criant, je crie en silence ma révolte, mon agacement. Je le montre mais j'ai du mal à faire sortir ces phrases.
Tout ça m'interpelle, me fait peur pour demain, je n'arrive pas à dire merde à certaines de mes collègues alors comment le dire (correctement) à un médecin qui déjà prend à lui seul une certaine hauteur...
La peur est là ce soir, personne ne me l'enlèvera, je ne cherche pas à entendre "mais tout va bien se passer", je m'en fous, je ne serais mieux que lorsque ce sera passé, le premier pas fait, que j'aurais une vue d'ensemble... Comme souvent! J'aimerais sortir de ce système où chaque mois on doit se réadapter et retrouver notre rôle de "petit stagiaire", retrouver la confiance d'une équipe, retrouver ses marques... (l'intérim ce n'(est pas fait pour moi!)
J'en viens à me poser des questions sur mon futur boulot, j'aime ce que je fais mais je manque de dextérité sur certains points, je me dis que j'en suis à la moitié de ma formation, qu'il y a des points que j'aurais du savoir manié à l'heure actuel et qui me manque. Quand j'en parle on me dit qu'il me reste la moitié d'une formation encore, c'est vrai, je le sais... mais ça va vite, la perspective de ne pas assurer aux stages suivants me fait peur. Je voudrais juste être à la hauteur, je devrais au fond juste leur en parler... Mais on sait à qui parler en fin de stage, avant de partir.... Je reçois des félicitations sur mon rôle en psy, ironie du sort sûrement, sauf que je ne veux vraiment pas, mais alors vraiment pas y bosser...
Les questions sont là, se bousculent, sur mes choix, sur ce que je renvois aujourd'hui, qui je suis. Je me cherche, je tatonne, je ne sais pas si je vais arriver à partager ma vie, à trouver concrètement où je peux aller, avec qui, comment. Les doutes se rappèlent à moi, hier soir, je rêvais (au sens propre) que j'étais en clinique, au même endroit qu'il y a 4ans, même stade, je me suis réveillée paniquée, mon chat sur la tête... Non, je n'étais pas en clinique mais chez ma mère.
Je change, mes projets se modifient, mon corps évolue aussi. Les hormones doivent me travailler l'esprit aussi, c'est pas la bonne périuode, se doit être ça, ça en rend certaines chiantes, moi ça me rend pleine de doutes...
Je ne peux que voir que je fonce sur du concret, que mes choix ont engendré des conséquences, que je ne suis plus un corps en morceaux fragiles et incapable d'être responsable, du moins en apparence. Ce corps m'arrangeait bien au fond, faire peur, être soigné donc pris en charge (c'est pas pour rien que nous nous parlons de prise en charge d'un patient), être coupé du monde, de ses repères, de ceux qui pensent à l'avenir, notre avenir, de ceux qui se rendent compte de l'erreur qui se trame, ceux qui sont bel et bien conscients que la vie actuelle n'est pas une vie logique à mener pour une jeune d'une vingtaine d'année.
La peur se transforme alors en colère, en agressivité, en lassitude mais tout ça c'est de la peur et rien que ça; et si ils avaient peur c'est qu'ils aimaient... mal je ne pense pas, comment peut-on dire à quelqu'un qu'il aime bien ou mal.... ils aimaient simplement, sans eux non plus savoir le dire, sans eux non plus trouver les mots ou s'adresser à la bonne personne. Eux en fait ne m'ont pas lâché, pourtant je le croyais, ils sont restés au même endroit, moi je me suis éloignée, je croyais que c'était l'inverse... C'était faux, je les ai retrouvé au même endroit, leur vie continuait, avec une brêche dedans... Je les pensais rancuniers, je les ai trouvé chaleureux, francs. Je confondais tant de choses, la colère et la peur, la rancune et l'hônneteté, le mépris et la douleur...
Je croyais les haïr, je les aime, je croyais ne plus jamais les voir, ils me manquent quand les nouvelles sont rares, je croyais ne plus être touchée par eux, je fonds comme neige au soleil...
J'ai un coeur, si il est en pierre alors elle est friable et la pierre n'est plus que poudre. Je ne résiste pas à la douleur en toute puissance, je ne l'ai jamais fait, quoique j'ai pu en dire, j'ai toujours ressenti, je ne l'ai pas toujours dit mais je le montrais, choisissant un comportement à l'opposé de mon ressenti.
Je me suis privée de ce qui me renvoyait à ce que je faisais, de ce miroir qui n'était que le reflet de ma déchéance. Je ne voulais pas voir, alors je ne les voyais pas.
Ils avaient peur, ils le disaient par la colère, l'agressivité, alors j'étais agressive, je m'éloignais et ils n'en étaient que plus agressifs. Je mourrais, ils le voyaient, ils le voyaient alors je voulais encore plus mourir... Leur regard était pour moi jugement, ce n'était pas un jugement, juste un dernier fil pour me garder encore quelques secondes, juste quelques secondes...
Je le voyais accusateur, il ne l'a jamais été... le mien si!
J'ai peur, peur parce que j'ai fait du mal, j'ai eu mal, et il y a eu ensuite un enchainement sans fin comme des dominos que l'on pousse du doigt et qui s'entrechoquent les uns après les autres. J'ai peur parce que je suis aujourd'hui la spectatrice de certaines colères refoulées et non dites qui sont en train de détruire les personnes en cause, plusieurs histoires simultanées touchant des proches différents, mais si proches, si humains...
J'ai peur parce que je ne veux pas me saboter, que je veux arriver au bout, au bout de ma formation, au bout d'une relation, au bout de projets. J'ai peur parce que souvent je perds de précieuses minutes qui sur le coup me paraissent en trop et qui quelques jours plus tard me manquent. Prendre quand il y a, ne pas regretter quand on n'a pas... Accepter, gérer, attendre...
La peur est source de douleur, de terreur, d'angoisse, de sabotage, de détresse, d'agressivité, de blocage....
Cette peur m'agace, j'ai de la colère au fond de moi contre cette peur qui est là, face à toute décision, peur de ce qu'on pensera aussi... Que pense t'il, lui, en face de moi? Me considère t'il comme égale aux autres, responsable... Même si ce regard, cette pensée ne changera pas forcément ma façon de vivre j'ai besoin de cette reconnaissance pour exister, sans les autres je ne suis rien, sans leur sincèrité non plus.
Je cherche cette confiance en moi, comment l'avoir, comment l'endurcir... Avoir confiance en ceux qui sont autour, les croire aussi. Il y a des choses que j'accepte sans me poser de questions mais face à d'autres remarques je les remets en doute...
Je reste en colère contre cette réaction qui ne me va plus! je suis en colère contre moi comme eux ont pu l'exprimer un jour... parce que j'ai peur... de l'inconnu mais que dans chaque journée il y aura cet inconnu...
Pourtant j'y vais, je ne l'aurais pas fait avant, parce que chaque 2 mois c'est l'inconnu, un nouveau milieu, des nouvelles équipes et que quand même, c'est souvent de bons souvenirs, même si tous les jours ne sont pas facilement digéreables...
Je suis en colère parce que je change, je suis en colère d'avoir tout ce chemin à faire, davoir tant attendu, de n'en être que là, je suis impatiente parfois, je voudrais que la mémoire du corps se taise deux minutes, 'est assez dur comme ça! Je voudrais oublier qui j'ai été mais alors comment savoir où je ne veux plus aller?
Je n'oublierais pas, demain je serais terrorrisée comme tous les premiers jours (semaine?), je resterais encore un petit moment en colère face à mes changements jamais comme on voudrait...
Mais je peux parler, je peux crier, je suis chez moi, reste à poser des mots, des vrais, ceux qui correspondent avant de laisser les choses faire boule de neige.
Je n'oublierais pas qui j'étais, qui ils sont. J'ai une mémoire, un avenir, les deux vont ensemble, je ne sais pas qui je serais, je ne veux pas le savoir, je veux juste être sûre de qui je suis, correspondre à ce que je pense...
Je voudrais que ça marche....
Je voudrais.....
j'ai peur, je suis humaine...
