je tourne et retourne mes pensées dans tous les ens, je ne sais comment les organiser, ce qui va en sortir. je sens cette odeur que je hais, saleté d'odeur de la maladie qui ne me quitte pas, tout simplement parce que je ne sais pas arrêter, arrêter de vomir....
et j'ai l'impression de sentir à des mètres autour de moi, je me cache, me terre, c'est devenu vicieux, silencieux, pervers, juste pour éviter un nouveau clasch durant ces quelques jours de "cohabitation"... passage obligé pour remballer mes affaires.
partie le 1er, redescendue le 23, trois semaines courtes et dures, trois semaines où j'ai fait mon possible pour camoufler cette horreur, croyant que j'avais réussi, prenant le large le plus de fois possibles et m'apercevant un jour que je n'y arrivais plus.... comment suis-je allée aux concours, comment me suis-je levée à 5h du matin, ai-je fait ces 2h de route je ne sais plus, comment me suis je rendue une semaine après au troisième et dernier concour, après une heure trente de route, un peu plus fatiguée, préoccupée... j'ai oublié. Qu'elle est belle cette faculté d'oublier, oublier soudainement comment, pourquoi, de quelle manière ou avec qui... Belle maladie qui nous offre un voile si épais qu'on en oublie même comment on respire, ou pourquoi... si bêtement!
Je me rappèles des sourires échangés, je me rappèle de ce premier dimanche où j'avais promis à une personne de lui rendre visite à la clinique;.. mes premiers pas en tant que visiteur, une personne à l'éccueil qui m'avait tant apporté par ses sourires chaque jour où je la croisais qui me reconnait, je suis émue, surprise... Un des seuls jours de beau, je m'en souviens, j'avais enfin chaud, je souris, j'ai les yeux qui sourient, c'est sincère, tout autant que l'angoisse qui m'étreint tout au fond, je ne sais pas comment je vais réagir une fois dans l'unité, une fois face à ces corps meurtris et j'ai peur.
je lui renvois ce soleil que je ressens au fond de moi, me propose d'avertir l'unité, je ne préfère pas, au cas où il y aurait des infirmières que je connais, je préfère éviter, c'est encore dur.
J'avance, chaque pas me rapproche de mes 7mois d'épanouissement, de douleur, de travail, de révolte, de larmes et de sourires... je ne m'arrête pas dans ces couloirs, je souris aux gens que je croise, je ne veux pas m'arrêter... traverser le parc, avancer encore jusqu'au bâtiment sur le côté, ces marches.... et là c'est plus fort que moi, j'ai été surprise à mon propre jeu, en haut des marches, là où j'étais la dernière fois que je les ai vu ici ma blouse blanche et l'aide soignante, assises en train de parler... L'aide soignante me dévisageant, ma démarche lui rappelant quelqu'un... Quand je me suis arrêtée, que je les ai reconnue, toutes les deux elle a compris, s'est levée... la blouse blanche a son tour a compris, et je crois que ça fait quelques mois que je n'ai pas souri si franchement, que je n'ai pas eu cette envie de courir me jeter dans leurs bras mais que dans le même temps je n'ai pas eu cette envie de pleurer, de repartir en sens inverse et me terrer tout au fond. mais c'est cette joie de les revoir, cette émotion qui m'appartenait si profondément qui l'a emporté, et c'est calmement, pas après pas que j'ai avancé jusqu'à ces marches où tants de mots, maux et larmes ont été déversés, de fumées de cigarettes inspirées, d'adieux faits, de marches franchies, que je les ai franchi une à une pour finir la tete dans les bras de l'aide soignante, les yeux brouillées, cherchant à le cacher, le sourire ancré dans ma tête, et cette envie de fermer les yeux pour marquer cet instant... elle me fixe, je me "cache" dans les bras de l'infirmière, je ne l'avais jamais revue dans la clinique, elle rit... mais je vois le regard de l'aide soignante, elle voit... alors je souris et préfère aller voir la personne à qui je l'avais promis.
Ce qui m'a touché ce sont les retours que j'ai eu de cette visite, bcp ont gardé en tête ce regard que j'avais, cette impression de liberté, de sérénité que je renvoyais. J'ai ainsi pu être soulagée, soulagée d'avoir renvoyé cette image, sans la maladie ou presque...
10jours plus tard j'ai revu le psychiatre qui m'avait suivi, accueilli et épaulé durant ces 7mois, juste avant il me propose d'assister au groupe de parole, j'accepte, je cherche à montrer le meilleur de moi même mais certains ne sont pas dupés, le psychiatre propose à un moment mon témoignage, m'observe, je ne suis pas à l'aise, essaie de lui faire signe que non, il comprend et revient sur ses mots...
Un moment plus tard il me reçoit, observe, ne dit trop rien, parce que simplement je n'ose plus soudain avouer la fréquence de mes crises, avouer mes douleurs, mon envie de tout lâcher... il me proposera de le revoir ds quelques semaines, "je verrais"...
les jours ont passé, j'ai pioché ce que je pouvais où je pouvais, juste pour tenir encore.... j'ai essayé d'échapper de fuir, seul moyen que je connaisse actuellement pour éviter de trop voir, trop entendre, trop porter... et puis un jour ma fuite m'a ouvert les yeux, l'arroseur arrosé, il neigeait, j'ai voulu sortir, après m'être attelée au ménage, voulu m'aérer... 5minutes après mon départ je me suis arrêtée, essouflée, perdue... en larmes.... impression de marcher sur un nuage, que mes jambes s'enfonçaient, que mes pieds pesaient deux tonnes.... le temps de rentrer et de m'asseoir par terre durant un quart d'heure...
la suite n'a été que dégringolade physique mais moralement je n'ai pas voulu lâcher, tenir encore.... vendredi la blouse blanche est montée me voir, elle m'avait eu au tel le matin, envahie par une grippe depuis 2jrs, mal... Je n'ai pas pu cacher gd chose, même rien, on en a reparlé hier soir, j'ai vu un chiffre ce matin, je sais, je sais où je vais, comment mais je ne veux pas me stopper, paradoxe d'une maladie sans vergogne, d'un mal sans fin...
alors soudain j'ai compris que je n'avais pas pu duper ma famille trois semaines, une semaine oui, mais ensuite si mes crises étaient bien cachées, camouflées et invisibles mon corps s'est mis à parler, sous mes yeux sans que je ne le vois!
et moi, naïve sans aucun soupçon je pensais duper tout le monde, sans jamais me dire que dans leur regard ce n'était pas de la lassitude de me voir mais de l'appréhension face à uen maladie bel et bien présente.
ce matin j'ai croisé un regard étranger, un corps sans âme, ce matin j'ai voulu l'éviter mais ce fantôme m'a suivi, ce matin je me suis croisée, c'était moi, dans la glace, j'ai pas compris...
la peur ça ravage.... comme l'incertitude et le désarrois...
pourtant j'avais pris tout ce que je pouvais, pourtant je croyais oublier...oh ça oui j'ai oublier, oublier qu'on ne vivait pas que de regard et qu'un jour on le paie, oublier que vomir n'est pas un mode de vie, oublier que ...... je ne sais plus!
