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Mon adolescence : Un voyage entre Anorexie et Boulimie

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Par : Anonyme

J’ai toujours, depuis que remontent mes souvenirs, été en surpoids. Malgré les avertissements des médecins scolaires, je me faisais plaisir en croquant allègrement dans des mets que j’aimais (sucrés et gras, évidemment…).
Mes parents, qui pensaient sûrement que « Mieux vaut faire envie que pitié », ne me réfrénaient pas. D’ailleurs, dans ma famille, bien manger était associé à la fête, la convivialité et à des souvenirs agréables, de retrouvailles, de vacances

Mon frère, qui a 13 ans de plus que moi, était traité à la même enseigne. D’ailleurs je ne crois pas que mes parents n’aient jamais insisté pour que nous fassions un régime, ni l’un ni l’autre.
Mon frère, lui aussi en surpoids, s’est aminci vers l’âge de 15 ans (en fait, il a grandi d’un coup et, s’est imposé, de lui-même, quelques restrictions alimentaires. Il devait, je suppose, supporter les railleries de ses camarades.
Il a perdu un peu de poids et (j’ignore comment) a réussi, miraculeusement à se stabiliser, sans faire de yo-yo alimentaire. Il a pris de l’assurance et faisait beaucoup de sport.

Arrivée vers 13-14 ans, tandis que mon frère prend son envol, moi aussi, je souffre du regard des autres. J’étais tellement persuadée, à l’époque, d’être l’objet de regards malveillants et moqueurs, que je commence alors à entendre des « voix », que bien sûr, je pense exister vraiment (tantôt, ce sont mes parents, mes camarades, des professeurs, mes voisins, …et même des inconnus). La plupart du temps, je crois reconnaître l’auteur de la moquerie, mais, au lieu de m’expliquer face à face, je garde cela pour moi (et je vais continuer longtemps à garder pour moi les blessures engendrées par les paroles moqueuses que je crois entendre,). Pour moi, ces paroles sont comme des poignards qui me blessent profondément.

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Puis, je décide, à mon tour, de faire attention à mes prises alimentaires, d’autant plus que je fais, à la même époque, la connaissance d’un garçon qui devient rapidement mon petit ami. Je tiens beaucoup à lui. Je suis bien avec lui et lui est très prévenant à mon égard. Je continue mon régime en diminuant doucement puis plus rapidement la quantité de calories ingérées, en faisant des comptes précis des calories apportées par les aliments que je choisis, mais sans faire attention à la qualité :(quantité de micronutriments indispensables : vitamines, minéraux, calcium…).Je supprime tout féculent, sucres et graisses.

Puis, mon petit ami, qui a 3 ans de plus que moi, souhaite alors approfondir notre relation. L’ennui, c’est que je ne suis pas encore prête pour cela et je ressens cette demande comme oppressante. Pendant 3 mois, je résiste en éludant la question ; puis je me décide à être franche avec lui, sachant que cela va le plonger dans un profond désarroi. C’est effectivement ce qui se produit mais je ne pouvais plus continuer comme cela.
Je ne supportais plus ses allusions à la sexualité, qui est tabou pour moi ni ses demandes pressantes de passages à l’acte. C’est donc au bout de 3 mois de calvaire (pendant lesquels, je me torture et culpabilise, en pensant à mon petit ami, et au mal que je vais lui faire) que je mets fin à notre relation.
Face à sa réaction, je me hais tant que je voudrais disparaître.

Je diminue encore plus mes apports alimentaires jusqu’à environ 300kcal par jour maximum. Je n’ai plus mes règles et, ignorant tout de la sexualité et bien que n’ayant pas sauté le pas avec mon petit ami, la peur d’être enceinte m’envahit. Il ne faut alors surtout pas que je grossisse car cela pourrait faire penser que c’est le cas. De plus en plus dénutrie, j’emploie tous les subterfuges possibles pour ne pas ni boire ni manger. Je ne peux plus toucher la nourriture avec les mains ni respirer d’odeurs de cuisine, qui, pour moi, sont susceptibles de me faire grossir. A mes yeux, mon amaigrissement est triplement justifié :

1.   J’ai fait du mal à ce petit ami auquel je tenais si fort : je mérite donc une punition, et pour moi qui suis une gourmande invétérée, je redouble mes restrictions alimentaires.

2.   Je veux disparaître (être transparente, ne plus être grosse ; en plus, plus je maigris, plus je veux maigrir). Je me pèse 2 fois par jour.  » Allez, encore un kilo et j’arrête « , c’est ce que je me dis à chaque fois. Si je maîtrise si bien mon appétit, il me semble en être de même pour le reste de ma vie : j’ai de bonnes notes, j’ai des projets et surtout je maigris vite et à ma guise : j’ai donc pris ma vie en main… Pourtant quelque chose me pousse à continuer ce régime, qui, plus tard, je m’en apercevrais, me conduira au plus bas fonds…mais c’est peut-être ce que je souhaite, après tout …Disparaître….

3.   En plus, comme je maigris, je suis sûre de ne pas être enceinte.

Mais quelque chose d’imprévu se passe : je perds des forces et je tombe tout doucement dans la dépression. Je pleure souvent, plus rien ne m’intéresse ; pourtant, en partie pour mes parents, je continue à étudier assidûment, et même, de plus en plus, j’approfondis les sujets abordés avec frénésie, car, quand je travaille, je suis concentrée et élude les sujets qui me dépriment.

Arrivée en 1ère S, […] sans le savoir, je suis en danger vital). J’ai l’impression d’être un monstre énorme alors que je suis plutôt un squelette ambulant. J’ai l’impression que la vie va trop vite, que des éléments importants m’échappent, je n’arrive pas à suivre et déprime de plus en plus.

Mes parents sont dans tous leurs états : je ne mange ni ne bois plus : je sais désormais que je suis malade mais je refuse de regrossir.

Je suis alors hospitalisée de force une 1ere fois. : Pas de visites, ni de courrier, ni de téléphone. On me met de force une sonde gastrique et là, un sentiment atroce m’envahit : je refuse de grossir mais le gavage par la sonde m’empêche de contrôler ma prise alimentaire et surtout, je ne peux parler à personne de ce terrible fait : en effet, je suis en isolement total.
Je sais intuitivement que mes parents souffrent autant que moi et qu’ils ont très peur, je voudrais tant les voir. Pour cela, il me faudra attendre 2 mois d’hospitalisation.
J’ai un contrat avec le médecin : à 50 kg, je pourrais sortir définitivement.

Ce jour arrive enfin. Tout devrait aller bien maintenant, et pourtant, je ne rêve que de MANGER : je me suis tellement privée à une époque que retrouver le sens du goût est devenu pour moi une obsessionA force de restrictions passées, je n’ai plus la force de résister à la tentation : je me laisse aller à quelques fantaisies. Puis, je m’autorise des aliments de plus en plus caloriques, en quantité de plus en plus grande. Mais en fait, au fond de moi, je me dégoûte. Je fais des épisodes d’anorexie/boulimie et comme il n’est pas question pour moi de grossir, je me fais vomir après chaque prise alimentaire. Mais, cette pratique finit par me révulser. J’arrête les vomissements et inévitablement, je recommence à grossir. S’ensuit une longue période de boulimie et de profonde dépression.

Arrivée à 70 kg, je ne me supporte plus. Je décide alors de refaire un régime (mes parents sont très inquiets), et ils ont raison ! Je replonge dans l’anorexie, sans vraiment m’en apercevoir. J’arrive à 40Kg en quelques mois. Puis, je retombe dans l’anorexie/boulimie, puis dans la boulimie : résultat : aujourd’hui, je pèse 98Kg. J’ai plus ou moins réussi à retrouver une alimentation normale et je sais que je n’essayerais désormais plus de régimes : ils ont détruit ma santé et les relations de confiance que j’entretenais avec mes parents.
Mes parents ont beaucoup soufferts (quand on parle ensemble de cette période, ils ne peuvent s’empêcher de pleurer). Je fais par la suite plusieurs épisodes dépressifs, et 2 tentatives de suicides, je suis donc de nouveau hospitalisée. Et puis il y a toujours ces « voix » que je traîne derrière moi et qui veulent que je « crève », comme elles me le répètent souvent.

Après 6 hospitalisations en psychiatrie, allant de1 à 6 mois, 28 séquences de sismothérapie (= électrochocs sous anesthésie générale qui servent au traitement de la dépression), de nombreux essais médicamenteux et grâce à ma thérapie actuelle, je me suis stabilisée sur le plan affectif.

Ce traitement actuel : des médicaments, des entretiens médicaux et infirmiers au sein d’un hôpital de jour, un groupe de parole, des activités visant à nous valoriser et des entretiens réguliers avec une psychologue. Pour l’instant, il apparaît que mes TCA soit le produit de plusieurs phénomènes psychiques :

–     le besoin de me punir pour avoir fait souffrir les autres (mes parents, mon petit-ami, des ami(e)s…

–     le besoin d’attirer l’attention parentale

–     le besoin de démontrer ma faculté d’autonomie, dont j’ai toujours manqué au sein de ma famille et de vouloir entamer un dialogue à ce sujet, qui n’a jamais été possible ;

Je ne peux pas affirmer encore ma guérison, mais j’ai retrouvé un semblant d’équilibre.

Si j’avais un message à faire passer : attention aux pièges des régimes, faites-vous suivre médicalement car on y perd plus de confiance, de lucidité, de santé et d’amis que de kilo. On finit par s’isoler, se renfermer sur soi-même, on déprime et la vie devient cauchemardesque. Heureusement petit à petit, j’apprends que la vie peut être belle et que je ne suis pas forcément un monstre.

Cela dit, même à 34 kg, je me suis toujours trouvée grosse.

Le malaise qui persiste en moi vient de ces  » voix  » qui veulent encore et toujours ma mort. Ma dépression est inégale et je passe allègrement de l’euphorie au désespoir profond. Pourtant, grâce à ma thérapie, j’arrive à m’accepter et à voir clair en moi, je fais des progrès et je comprends mieux certains sentiments enfouis en moi .Je reprends espoir et mon moral s’améliore.

Pour la première fois depuis longtemps, je me permets d’espérer en une vie meilleure : j’espère trouver une formation, un travail…un avenir…

 

Article écrit par Anonyme


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