Critique : La femme qui voit de l’autre côté du miroir
- Dans Billets d’Enfine Boulimie & Hyperphagie
- par Marie-Pierre
- le 16/10/2018
Par : Marie-Pierre
Catherine Grangeard (psychanalyste) et Daphnée Leportois (journaliste) – La femme qui voit de l’autre côté du miroir – Editions Eyrolles
Aborder le trouble du comportement alimentaire, en l’occurrence celui de trop manger et trop grossir, par le biais d’un roman est une bonne idée. Les lectrices, et les lecteurs, y trouveront des ressemblances, des anecdotes évocatrices, des situations reconnues, tout ce qui leur « parle » et qui peut constituer une ouverture vers la résolution du dit trouble. A condition d’en souffrir et de vouloir en guérir.
Dans ce roman, Lucie, le personnage principal, consulte une psy, démarche obligatoire pour obtenir un accord préalable à une intervention chirurgicale de l’estomac. Il s’avère que cette « psy » est une psychanalyste et cette rencontre fortuite lui donne accès à une parole et une pensée sur elle-même, dont elle était privée depuis longtemps, sans le savoir. Car c’est bien là la spécificité de la psychanalyse : accueillir une personne, lui offrir la parole et l’écouter, entendre ce qu’elle a à dire d’elle-même.
Lorsque la jeune héroïne se présente à la consultation de la psy, c’est avant tout la personne qu’est Lucie qui intéresse la psychanalyste, pas ses kilos en trop. Le symptôme passe au second plan, la vie de l’héroïne, ses pensées, ses affects, vont peu à peu, au fil des séances, reprendre leurs droits. Lucie n’est plus seulement une fille trop grosse aux prises avec la honte et l’exclusion, c’est une jeune femme qui souffre mais qui a également des désirs, des projets, des potentialités. L’obsession de la nourriture et du surpoids régresse au fur et à mesure des prises de conscience que fait l’héroïne sur la manière dont elle en est venue à trop manger et trop grossir.
L’avantage de cette écriture romanesque est de mettre à portée de tous une réflexion sur la manière dont se construit un trouble du comportement alimentaire, en lien avec l’histoire individuelle de celui qui en souffre. Le roman évoque également, et c’est là son principal atout, d’autres thérapies que la chirurgie ou la diététique, même si la guérison requiert plus de temps et d’engagement que l’histoire de Lucie ne le laisse entendre. Dans la vraie vie, ce sera un peu plus compliqué, mais la démarche, même longue, vaut la peine d’être entreprise, car à son terme, la guérison a des chances d’être véritablement durable.
Auteur : Marie-Pierre, Psychanalyste et intervenante pour Enfine
Blog : https://www.unpsydanslaville.com/