Critique : Sobibor, Jean Molla
- Dans Anorexie Billets d’Enfine
- par Charlotte Planchette
- le 21/11/2014
Par : Charlotte Planchette
« Peut-être vais-je essayer de vomir en mots ce que j’ai des mois durant vomi en silence. Nourritures à peine digérées me lacérant la gorge, me laissant épuisée, douloureuse. Nourritures avalée comme une forcenéee, pour me faire taire, ou pour remplir ce vide immense au-dedans de moi. Vide trop grand pour mon corps de jeune femme. Vide qui me mangeait de l’intérieur, qui menaçait de m’engloutir. Vide qui creusait mes joues et mes côtes. Vide qui se nommait Sobibor, et que j’ignorais » p.5
Emma vole dans le supermarché, elle vole des gâteaux pour les dévorer ensuite en cachette, quitte à se faire prendre par les vigiles et à devoir attendre ses parents dans le bureau du directeur. « Je voulais qu’on m’arrête » déclare-t-elle alors à sa mère, qui ne saisit pas la portée de ses mots. Emma ressent un vide démesuré en elle, un poids mystérieux dans son ventre qu’elle allège à coups de crises de boulimie et de vomissements. Elle découvre bientôt un vieux journal intime qui lui livrera le secret de son mal-être.
Sobibor n’est pas seulement un roman sur la boulimie et les TCA, c’est aussi un roman sur le mal que peuvent encore provoquer les blessures non pansées de l’Histoire des décennies après, et sur la portée des non-dits familiaux et du secret. « Est-ce qu’on veut savoir ce qu’on ignore ? » s’interroge Emma : cette question prend tout son sens dans ce roman, où la libération mentale et physique n’arrive qu’au terme d’épreuves douloureuses. L’écriture est intense, chaque mot est soigneusement pesé et la plume de Jean Molla porte magnifiquement ce roman jeunesse qui entraînera aussi bien petits que grands dans cette histoire éprouvante mais nécessaire qui illustre si bien des problématiques toujours actuelles.