Descente en anorexie
- Dans Anorexie Billets d’Enfine
- par Charlotte Planchette
- le 12/10/2013
Par : Charlotte Planchette
Il y a des témoignages qui trouvent des résonances en chacun de nous. Qui n’a rêvé un jour d’être parfait, de correspondre en tous points aux attentes si pesantes de la société, de sa famille ? Mais quand cette volonté se transforme en obsession qui menace la santé et même la vie d’une personne, c’est là que la maladie s’installe.
Barbara Leblanc a basculé dans l’anorexie alors qu’elle avait dix-huit ans, et cette maladie a pris le contrôle de sa vie durant dix ans de sa vie. Un quotidien soumis à une rigueur absolue, à une discipline surhumaine, à la terreur de l’échec. Pendant dix ans de sa vie, Barbara Leblanc a cessé de manger et s’est astreinte à des heures d’entraînement physique jusqu’à n’en plus pouvoir, jusqu’à l’épuisement. Se peser après chaque verre d’eau avalé, chaque quartier de pomme longuement mâché, était alors une façon d’éviter de réfléchir à sa vie, de remplir son quotidien de petits rituels qui l’empêchaient de penser à ses maux. L’hyperactivité lui permettait de s’occuper en permanence, de ne pas se retrouver confrontée à elle-même… de se fuir tout simplement.
Petit à petit, alors que les objectifs se sont fait plus drastiques, les interdictions alimentaires plus nombreuses, alors que les kilos s’évanouissaient et que la faiblesse s’installait, Barbara s’est créé un monde à elle, dont tous les autres étaient exclus. Elle a alors connu les hôpitaux, s’est retouvée confrontée au monde médical peu informé, voire dépassé par ces troubles qui, par leur dimension psychologique, effraient. Mais Barbara ne se contente pas de dénoncer les défauts de ce type de prise en charge, elle avance aussi des idées : la nécessité de lier le physique au mental dans le traitement des troubles du comportement alimentaire, l’avantage d’une implication plus importante de la famille du patient, ou encore une meilleure formation des médecins généralistes.
L’intérêt principal du livre reste que Barbara ne s’arrête pas au témoignage de sa maladie, mais qu’elle se pose également la question de la reconstruction du patient : comment se réintégrer à la vie réelle après une hospitalisation fructeuse ? Comment discuter, annoncer son désaccord sans craindre un abandon affectif ? Comment apprendre à lâcher prise au quotidien ? Comment retrouver des repères alimentaires quand on n’a rien avalé pendant des années ? Et surtout, comment vivre avec un traumatisme sans chercher à remplir constamment le vide qu’il a laissé en soi ?
Barbara porte un regard rétrospectif informé sur la petite fille perdue qu’elle a été pendant toutes ces années. Cependant aucun jugement n’est perceptible, seulement une volonté de comprendre qui souligne l’ampleur de la guérison, même si, comme elle le souligne : “Se reconstruire est bien plus long et difficile que de se détruire”. S’évader, mais aussi ne pas être repris…