Après deux années d’anorexie, enfin, je dis adieu à mon cauchemard. Je reprends goût à la nourriture, et je redécouvre la vie, avec tous ses plaisirs, comme après une longue période d’hibernation.
Après un avortement à tout juste 18 ans, j’ai commencé à faire un blocage sur la nourriture, elle me dégoutait, tout comme je me dégoutais et regrettais mon geste.
Progressivement, je me suis privée de toutes les choses que j’aimais, réduisant considérablement mes apports caloriques. J’ai ensuite arrêté de diner, pour réduire encore plus les kcalories, que j’avais commencées à compter, méticuleusement. Lorsque je dépassais ma limite fixée à 900 par jour, puis 800, 600 et enfin 500, je me punissais en me renfermant sur moi même et en refusant de m’alimenter le plus longtemps possible, jusqu’à me rendre malade et faible au point de faire un malaise. Ma vie ne se résumait qu’à cela : les kcal, envie de vomir.
J’ai maigri rapidement […] et de ce fait, mes carrences se sont accumulées. J’ai redoublé ma première année de prépa HEC, je n’avais plus de force et j’étais incapable de me concentrer, de retenir quoi que ce soit, j’étais à bout, faible constamment, je n’avais plus envie de rien, je ne dormais plus. La faim, que je ne savais plus reconnaitre, me réveillais. Mes insomnies sont devenus systématiques. J’ai commencé à perdre mes cheveux, je n’avais plus mes règles depuis des mois. Plus d’envie, plus de désir. J’ai rompu avec mon ami, les sentiments ne signifiaient rien pour moi, j’avais l’impression de vivre sans attache, de flotter au dessus du monde, sans en faire réellement partie.
Je n’avais plus qu’une peur : reprendre du poids, repasser la barre des 43 me paraissait une abomination. Je me trouvais grosse, énorme, DIFORME. Mon amie la plus fidèle ? Ma balance. Toutes les heures, tous les jours, tout le temps, et toujours cette crainte d’une reprise de poids.
Mais a quoi bon vivre dans ces conditions? Ce n’est PAS UNE VIE !
J’ai commencé à me battre, pour combler mes carrences, pour reprendre des forces, réussir ma deuxième année de prépa, intégrer une école, reprendre ma vie où je l’avais laissée. C’est la chose la plus dure que je n’ai jamais faite. Je me forçais à manger des féculents, aliments interdits, avant mes épreuves, pour pouvoir rester concentrée, pour réussir. J’ai du recommencer à manger de la viande, du poisson, progressivement, toujours en comptant les calories et en augmentant progressivement… 800, puis 900. J’ai stagné longtemps à ce stade, tentée à nouveau par la nourriture, je me laissais parfois aller, pour ensuite me faire vomir, sombrant ainsi dans l’anorexie vomitive, que je ne connaissais pas jusqu’alors.
Après plusieurs mois de hauts et de bas, j’en ai déduis que si je me laissais aller et que je controlais pas ces « crises », c’était parce que mon corps en avait besoin, et que je devais augmenter mes calories par jour. Je suis alors difficilement repassée à 1200 par jour, nombre de kcal minimum nécessaire au bon fonctionnement de mon métabolisme de base. J’avais l’impression de manger tout le temps, de m’empifrer, mais progressivement, mon humeur s’est améliorée. J’ai repris du poil de la bete, je ne voyais plus la vie en noir, ce qui m’a donné plus de force encore pour combattre mon anorexie. J’ai alors rencontré mon ami actuel, qui m’a aidée à reprendre progressivement confiance en moi. Il avait déjà eu affaire à l’anorexie, sa mère en ayant été victime quelques années auparavant. Il m’a fait comprendre qu’il ne m’aimait pas pour mon poids, pour ma silhouette mais pour celle que j’étais, et que 5 kilos en plus ou en moins ne changeraient rien. Qui plus est, m’a-t-il dit… « quelques kilos en plus ne te feraient pas de mal, tu serais plus belle encore ». Formule magique, révélatrice. Mes troubles ont disparus progressivement. Mes carrences se sont comblées. Mon corps, privé pendant si longtemps a tout d’abord stocké la nourriture, tant désirée, mécanisme de prévention de mon corps sans doute, en prévision d’une possible rechute. Mais il n’y en a pas eu. Aujourd’hui, je fonds ! Je reperds les quelques kilos repris, sans efforts, au contraire, je me fais plaisir. Mais mon corps a compris que je ne le priverai plus, il dispose des calories à sa guise, et mon alimention reste très saine, comme en période de régime pour une personne normale. […] Je mange à ma faim. C’est mon estomac qui commande et non plus ma tete. Je me réserve une exception par semaine, ou je ne compte pas durant toute la journée, et je me fais plaisir, le soir une petite coupe de champagne, un bon diner au restaurant par exemple.
Je passe mes concours dans une semaine, et je suis prete, j’ai réussi à reprendre mon travail. J’ai le sourire constamment, et je réalise à présent ce que j’étais prête à abandonner, ce à quoi je tournais le dos, à tous les plaisirs de la vie.
MANGEZ ! Sans culpabiliser, sans regretter, sans peur du regard des autres. Mangez.
Marie