Aujourd’hui, pour la première fois, j’ai appelé les secours. Je ne supportais plus la douleur. Et pourtant, Dieu sait que je sais la supporter cette douleur. Cette impression que tout va exploser. Imploser. Tout en se jurant que cette fois, oui, cette fois-ci, ce sera la dernière. Cette douleur là, je ne la connais que trop bien. Aujourd’hui pourtant, c’est allé encore plus loin. Ca a fait encore plus mal. Et pour la première fois en presque 10ans, j’ai eu peur. J’ai eu peur que mon corps me lâche. Et ce matin encore, je me le suis juré. Plus jamais. Plus jamais je ne recommencerai. Jamais plus je ne ferai de mal à mon corps. La torture, c’est fini. La douleur, c’est terminé. Oui, je me le suis juré.
Cela dit, maintenant que le mal est passé. Maintenant que je ne suis plus tordue dans mon lit, tremblante, et que je peux à nouveau marcher… Elle me semble bien loin cette pensée. Cet engagement, bien vain. Après tout, cela va bientôt faire 10ans que je mange de ce pain. Bientôt 10 années que je suis enfermée dans ce même schéma. Tous ces plans, toute cette organisation. Tous ces murs… Tant de fois j’ai essayé de les briser. Parfois, en prenant mon temps. Souvent à grands coups de poings. Mais toujours ils revenaient. Petit à petit, ils réapparaissaient. Et le pire dans cette histoire, c’est que je suis celle qui les érige. Je fais en sorte de les rendre chaque fois plus solides, de les élever toujours plus haut. Oui, ces murs que je veux faire tomber, c’est moi qui les crée.
Lorsque je me l’imagine ; lorsque j’essaie de lui donner une forme, deux images similaires, bien que différentes, me viennent en tête. Il y a l’Ancre. Et il y a l’Ombre. L’Ancre, pour le poids. Oh non, pas ce poids là. Pas celui sur la balance. Il a, certes, toute son importance, mais au fond, il est trop flou, insignifiant. L’Ancre, elle, pèse. Sur moi. Sur mon corps tout entier. Elle tire sur mes chevilles, et tente de me couler. Elle s’agrippe à mon bassin pour me faire tomber. Elle s’accroche à mon cou et cherche à me noyer. Mais l’eau est profonde. L’ocean, immense. Tout autour est inconnu et effrayant. Alors au fond, cette Ancre, elle me garde en sécurité… Puis, il y a l’Ombre. Elle est silencieuse. Elle est plus grande que moi. Elle reste dans mon dos. Une main sur chaque épaule. Elle n’est ni chaude, ni froide. Il y a des fois où elle s’éloigne, comme dans un souffle. Elle prends ses distances et reste calme. Et, d’autres fois… C’est une tornade. Une tempête. Elle se rue sur moi et elle m’attrappe. Elle rentre en moi et elle me prend tout. Mon sourire, ma joie, mon énergie, mes certitudes, mes projets. Elle tache tout de noir. Du cerveau au coeur ; de la tête aux pieds. Elle obscurcit ma vue et me vole ma voix. Elle est comme du pétrole sur mes côtes. Du goudron sur ma peau. Elle est mon cancer. Mais il est dur d’avancer seule. Et mes jambes sont lourdes. Tous ici me sont inconnus, indifférents. Alors, au fond, cette Ombre, elle me garde en vie….
Ne vous fiez pas au calme. Ne vous fiez pas aux formes. Allez plus loin que les mots. Parce qu’à l’intérieur, je crie. A l’intérieur, je hurle. Je donne des coups de poings dans les murs. Ce n’est pas une ancre. Ce n’est pas une ombre. C’est une maladie. Ce sont des symptômes. Ce sont des douleurs. Ne tournez pas le regard. Observez. Prenez conscience. Car à l’intérieur je me bats. A l’intérieur, j’y crois. Je veux mes sourires et ma joie. Je veux mon énergie, mes certitudes et mes projets. Oui, cette fois c’est sûr. Je veux vivre, c’est juré.
Anne-Line