Les Troubles du Comportement Alimentaire et les fêtes de fin d’année

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Par : Isabelle PODETTI

Tout le monde se réjouit à l’approche de Noël : on reçoit des cadeaux, on revoit les membres de sa famille (tant pis si mamie Berthe vous bave dessus en vous faisant des bisous, c’est Noël, on pardonne) et on se régale avec le foie gras, la bûche de Noël, le saumon fumé et autres papillotes au chocolat. Pourtant, les fêtes de fin d’année, et plus généralement les repas de famille, sont une réelle torture quand on souffre de troubles du comportement alimentaire (TCA). La seule idée d’avoir à rester des heures à table terrifie les personnes souffrant de TCA, et même l’idée de recevoir des cadeaux ne suffit pas à leur faire « avaler la pilule ».

 

L’angoisse de la personne souffrant de TCA

« Combien de calories dans le caviar ? Dans la farce de cette dinde ? Dans tout ce qu’il y a sur la table ? Combien d’heures de footing ou de jours de jeûne pour compenser un toast au saumon ? Que vont-ils penser de moi si je mange ça ? Que vont-ils penser de moi si je ne mange pas ça ? Que vont-ils dire en me revoyant ? Et si je m’absente aux toilettes entre chaque plat pour aller vomir, vont-ils le remarquer ? »

Vous voilà à peu près dans la tête de quelqu’un qui souffre d’anorexie ou de boulimie. La nourriture n’est plus source de plaisir. Elle est source d’angoisse. On ne se demande pas quel aliment on a envie de manger, on est terrifié à l’idée de devoir manger devant tout le monde. D’ordinaire, une personne souffrant de TCA essaye le plus souvent de manger en cachette, du moins les aliments qu’elle s’interdit. C’est un acte très intime, quasi-honteux.

Vous souvenez-vous de ces rêves où vous êtes tout nus au milieu de collègues ou de copains de classe et que vous vous sentez mortifiés. Et bien… C’est presque pareil. La personne souffrant de TCA souffre du regard de l’autre sur elle lorsqu’elle mange. Elle a honte de manger en public, de ne pas manger en public, de ne pas être soi-disant « normale ». La personne anorexique ou boulimique est persuadée que tout le monde regarde son assiette en jugeant ce qu’elle mange. Il faut lutter contre la restriction pour paraître « normale » tout en essayant de respecter les règles de l’anorexie (ce qui est parfaitement incompatible). Ou encore aller se purger entre chaque plat pour être certain de ne pas absorber les calories des plats mangés, et devoir assumer de revenir parmi les hôtes en sachant soi-même qu’on est allé se faire vomir. Si le reste de l’année la personne souffrant de TCA parvient à trouver des stratégies pour éviter l’inconfort des repas, à Noël, il compliqué d’esquiver la table collective.

 

Et les proches dans tout ça ? 

Du côté de la famille, on s’inquiète de voir la cousine qu’on n’a pas vue depuis les vacances d’été avec les joues creuses et un énorme pull pour cacher les os. Ou la nièce qui n’a pas maigri (elle est boulimique et garde un poids plus ou moins stable) mais qui trie ses haricots pour manger ceux qui n’ont pas touché le beurre. Ou le petit-fils dont le regard semble éteint alors qu’il était si malicieux lorsqu’il était enfant (oui, mamie Berthe garde un œil vigilant et se fait du soucis pour ses petits-enfants). On se demande ce qui a bien pu se passer, ce qu’on a bien pu faire ou ne pas faire. Les parents culpabilisent, et d’autant plus en famille où chacun peut constater que la fille ou le fils a des difficultés à manger. Parfois, on va même essayer de faire comme si de rien n’était tout en voyant qu’il y a un problème… Sur un malentendu, ça peut passer ? Non, pas vraiment. A trop vouloir ignorer le TCA on le met involontairement au centre de la table. Que l’on en parle ou non, la tension et/ou la gêne sont là, et quitter la table est bien souvent un soulagement pour tout le monde.

 

Alors comment passer des fêtes plus joyeuses et sereines dans une famille où une personne souffre d’anorexie ou de boulimie ?

Je n’ai pas de recette magique pour cela, et les conseils ci-dessous ne sont pas des règles absolues… Juste ce que je pense, cinq ans après avoir été cette personne souffrant de boulimie assise en bout de table à Noël :

Commencez déjà par vous dire (tous !) que ce ne sera pas « parfait » : Oui il risque d’y avoir des moments d’anxiété pour les personnes souffrant de TCA, des moments de gêne pour les proches qui ne savent pas comment parler à la personne en question sans risquer de la froisser, des moments de culpabilité pour les parents peut-être. Il faudra malheureusement faire avec. Mais il n’y aura bien heureusement pas QUE ces moments désagréables.

En tant que parents et proches : c’est en vous défocalisant de la nourriture et des comportements alimentaires de la personne anorexique ou boulimique à votre table que vous parviendrez à vous concentrer sur l’essentiel. Vous êtes ensemble. C’est le moment de vous rappeler par des gestes, des mots, que vous tenez les uns aux autres, personne souffrant de TCA inclus (mais pas uniquement ! Ne restez pas focalisés sur elle). En cela vous n’aiderez pas votre proche à manger, mais peut-être que vous l’aiderez à se sentir moins observé(e) quant à son comportement alimentaire.

Posez-lui des questions sur ses études ou son travail…sans commenter les performances, les personnes souffrant de TCA ont un soucis avec le désir de perfection ! Questionnez-le(la) plutôt sur ce qui lui plait dans ce qu’il(elle) fait, sur ses passe-temps, sur la musique qu’il(elle) écoute, sur ses rêves de voyages… Parlez-lui de vos dernières escapades en forêt, de vos prochaines vacances au ski ou de la fois ou mamie Berthe a pris la télécommande pour le téléphone et a entamé un monologue de cinq minutes avant de se rendre compte que tonton Jojo lui avait fait une blague !

Les fêtes de fin d’années sont l’occasion de se rapprocher, d’apprendre à mieux se connaître tels que nous sommes aujourd’hui, malades ou pas. Elles sont l’occasion de se remémorer les bons moments ensemble, les mauvais aussi. Elles sont l’occasion de parler des projets futurs ! Pour l’année suivante mais aussi les autres années à venir. Si vous êtes un proche, n’hésitez pas non plus à faire part de vos inquiétudes à la personne anorexique ou boulimique de votre famille. Sans y passer des heures, juste pour lui montrer que vous avez bien pris acte de la situation. Cela lui permettra de savoir que vous n’ignorez pas ses difficultés mais que l’anorexie est moins importante que votre amour et votre intérêt pour elle en tant que personne.

A Noël cette année, mettons la nourriture de côté !

Article écrit par Isabelle PODETTI


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